Le dialogue et l’échange avec les gens du Livre : selon le Coran et la Sunna

1 Dans le Coran

En ce qui concerne les gens du livre, nous trouvons des termes comme (Jadal) qui veut dire discussion et dont le point de départ doit être la douceur :
« Ne discutez pas avec les gens du livre que de la manière la plus douce sauf ceux d’entre eux qui ont été injustes. Dites : « Nous avons cru à ce qui nous a été révélé et vous a été révélé, Notre Dieu et Le vôtre ne sont qu’un seul et même Dieu et nous Lui sommes entièrement soumis » [1]
Il s’agit ainsi d’être doux et d’utiliser les points communs et le terrain d’entente dans le respect et la reconnaissance de l’autre :
« Dis : « Ô gens du Livre, venez à une parole commune entre nous et vous : que nous n’adorions qu’Allah, sans rien Lui associer, et que nous ne prenions point les uns les autres pour seigneurs en dehors d’Allah. »[2]
En ce qui concerne Abraham, le Coran le considère comme le père des religions du livre et qu’il est antérieur au christianisme et au judaïsme, toute controverse à son propos est sans fondement selon le Coran qui rejette par la logique les fausses histoires sur Abraham :
« Ô gens du livre ! Pourquoi opposez-vous vos arguments au sujet d’Abraham alors que la Torah et l’Evangile n’ont été descendus qu’après lui ? N’êtes vous donc point sensés ? Voila donc que vous avez fait une dispute à propos de ce dont vous avez quelque connaissance. Pourquoi donc disputez-vous au sujet de ce dont vous n’avez aucune connaissance alors que Dieu sait et que vous ne savez point ? Abraham n’est ni Juif ni Chrétien mais il est pur monothéiste Musulman et ne fait pas partie des Associateurs »[3]
Abraham a vécu à Our en Chaldée, près de deux mille ans avant Jésus. Il appartenait aux araméens qui sont eux même une branche sémite. Les Juifs diront de lui qu’il est Juif et les Chrétiens diront qu’il est chrétien. Comment pouvait-il être l’un ou l’autre quand la Torah et l’Evangile n’ont été révélés que longtemps après lui ?[4]
Le dialogue a été poussé à son paroxysme quand Dieu déclare en défiant et en utilisant ce qu’on appelle : « l’ordalie d’exécration » « moubâhala »: « ….S’ils tournent le dos dîtes : « Soyez témoins de ce que nous sommes musulmans »[5]
Ce verset a été révélé quand les Arabes chrétiens de Najran furent en désaccord avec le Prophète au sujet de la nature de Jésus. Dieu lui ordonna de les inviter à maudire avec lui les menteurs : c’est : « l’ordalie d’exécration »[6]. Les Najranites ne relevèrent pas le défi et se retirèrent à bout d’argument[7].
En suivant l’exemple du Prophète Muhammad, paix et bénédictions de Dieu sur lui, qui s’entretint notamment avec les chrétiens de Najran[8], il est possible et même louable d’organiser des dialogues avec les gens d’autres confessions sur des sujets tels que l’Unicité de Dieu, la mission des prophètes ou l’origine de l’humanité. Ces dialogues doivent se dérouler dans une atmosphère saine, sans faire usage de la coercition, et en évitant de rabaisser les autres ou de les blesser.

Malgré les différences qui existent entre l’islam et les autres religions révélées, il y a un terrain d’entente commun où tous peuvent se rencontrer. Par exemple, toutes les religions divines reconnaissent les notions de divinité, de mission prophétique et de vie éternelle. Elles acceptent toutes les principes de bonne conduite et se préoccupent de la structure sociale de la famille. Elles ont des vues convergentes sur les questions relatives à l’environnement, aux droits de l’homme, à la défense des opprimées, la confrontation de l’injustice et du despotisme; elles dénoncent les génocides, les agressions et le fanatisme.

2 Dans la Sunna

Durant sa vie à la fois comme chef religieux et comme homme d’Etat, le Prophète Mohammad (que la paix soit sur lui) faisait preuve d’une grande sensibilité et de respect dans ses relations avec « les Peuples du Livre », les Juifs et les Chrétiens. Dans l’esprit de la révélation divine, le Prophète Mohammad interdisait de faire du mal aux non Musulmans et demandait aux Musulmans de bien les traiter. Il dit un jour à ce propos :
« Celui qui fait du mal à un Juif ou à un Chrétien trouvera en moi son adversaire au Jour du Jugement.»
La première chose que le Prophète Mohammad (que la paix soit sur lui) fit après s’être établi à Médine, où il avait été invité comme chef, fut de conclure un traité entre les Musulmans et les gens du Livre (les Juifs et les Chrétiens). D’après ce traité, les Musulmans garantissaient à ceux-ci la liberté de croyance et leur accordaient les mêmes droits et obligations que ceux dont ils jouissaient eux-mêmes.

a- Des envoyés de la part du Messager au Yémen [9]
Le Prophète envoya Mu‘âd Ibn Jabal et Abû Musâ AlAsh ‘arî au Yèmen. Il leur prodigua les recommandations suivantes :
« Optez pour la facilité et non la difficulté et soyez annonciateur de la bonne nouvelle et non de la mauvaise » et il dit en s’adressant à Mu‘âd : « tu vas certainement rencontrer des gens du livre, tu dois commencer par leur apprendre d’abord l’attestation, puis, s’ils obéissent, dis leur que Dieu (qu’ils ont obéi) a prescrit pour eux une aumône à prendre des riches pour être donner aux pauvres, s’ils t’obéissent n’acceptent aucun argent (comme récompense), et prend garde à la prière de celui qui a subi une injustice.. »[10]
Nous voyons que le Prophète a recommandé à Mu‘âd d’utiliser la pédagogie dans sa communication avec les gens du Livre :
– D’abord le plus facile et le plus important : l’attestation que Dieu est Un et que Muhammad est son messager.
– Puis les prescriptions, en expliquant leur valeur sociale (pour exemple, l’instauration de l’aumône légale pour assurer l’équilibre de la société).

b- Les Chrétiens de Najran
Quand une délégation de Chrétiens vint à Médine en provenance de Najran, une ville du sud-ouest d‘Arabie, le Prophète les reçut dans sa mosquée et les invita à dire leurs prières à l’intérieur de la mosquée. Les Musulmans disaient leurs prières d’un côté de la mosquée et les Chrétiens de l’autre. Au cours ce cette visite, le Prophète discuta aimablement avec eux sur de nombreux sujets. [11]
Ceci prouve la considération du prophète pour les gens du Livre et le souci d’établir une solidarité humaine et spirituelle entre les croyants de toutes les religions.

c-Le Négus[12]
Allah a révélé au sujet du Négus :
« Oui il y a parmi les gens du livre qui certes croient en Dieu et en ce qu’on a fait descendre vers vous et en ce qu’on a fait descendre vers eux, humbles qu’ils sont devant Dieu, et ne vendant pas point les signes de Dieu à vil prix. Voilà ceux dont le salaire est auprès de leur Seigneur. »[13].
Le Prophète lui-même a accompli la prière de la mort en son hommage (prière sur l’absent).
Il faut également mentionner l’échange entre ce roi issu du christianisme et les compagnons du Prophète (paix et salut sur lui). Le contexte était le suivant : Ja’far (qu’Allah soit satisfait de lui) et sa femme, Asmâ’ bint ‘Umays furent l’objet d’une persécution atroce infligée de la part des polythéistes. Sur ce, le Prophète leur accorda l’autorisation d’émigrer en Abyssinie chez le Négus, avec les autres musulmans victimes du traitement injuste. Le Prophète leur dit :
« Il y a dans ce pays un roi juste »
Quraych délégua ‘Amr ibn Al-‘As -avant son ralliement à l’islam- et ‘AbdAllâh ibn Abû Rabi’a au Négus et les chargea de cadeaux pour celui-ci ainsi que pour ses patriarches. Ces délégués eurent pour but d’obtenir le consentement du Négus à remettre les émigrants musulmans à Quraych. Ja’far occupa le point de mire au cours des pourparlers entretenus avec le Négus.
Oum Salama (qu’Allah soit satisfait d’elle) qui fit partie des émigrants, rapporta :
« … Puis, le Négus nous invoqua à sa rencontre. Nous nous réunîmes avant d’y aller. Nous dîmes les uns aux autres: « Le roi va vous interroger sur votre religion. Exposez donc clairement ce à quoi vous croyiez et que Ja’far ibn Abû Tâlib soit exclusivement votre porte-parole ». Nous allâmes ensuite voir le Négus qui était entouré de ses patriarches, endossant leurs soutanes, vêtus de leurs calottes et retenant leurs livres entre les mains. Nous trouvâmes chez lui aussi ‘Amr ibn Al-‘As et ‘Abd-Allâh ibn Abû Rabi’a. Quand nous prîmes place, le Négus nous adressa la parole, en disant: « Quelle est donc cette nouvelle religion que vous avez inventée, en abjurant celle de votre tribu, et sans toutefois que vous convertissez à la mienne ou à n’importe quelle autre religion bien connue ? »
Ja’far ibn Abû Tâlib s’approcha alors de lui et dit: « Ô roi ! Nous étions des gens ignares : nous adorions les fétiches, nous magnions les bêtes crevées, nous commettions les turpitudes, nous nuisions à nos liens de famille, nous portions atteinte au voisinage, et le fort parmi nous n’hésitait jamais à fouler aux pieds le faible. Nous restions sur cet état jusqu’à ce qu’Allah nous a envoyés un Messager pris parmi nous. Nous connaissons sa lignée et nous sommes sûrs de sa sincérité, de son honnêteté et de sa dignité. Il nous appelle à vouer un culte exclusif à Allah l’Unique et à quitter les idoles de pierre que nous adorions avec nos ancêtres. Il nous exhorte à la franchise et nous avertit contre la trahison des dépôts. Il nous prêche aussi d’entretenir nos liens familiaux, de s’attacher au bon voisinage, de s’abstenir des grands péchés et d’arrêter les effusions du sang. Il nous enjoint de ne jamais commettre les turpitudes, ni de faire de faux témoignage, ni de s’accaparer des biens des orphelins, ni de lancer des accusations contre les femmes chastes. Il nous invite à adorer Allah, l’Unique sans jamais Lui donner d’associé, d’accomplir la prière (Al-Salât), de faire l’aumône légale (Al-Zakât), de jeûner le mois de Ramadan (Al-Siyâm). Nous lui avons donné foi, nous avons cru en lui et nous l’avons suivi en se conformant à ce qui lui a été révélé de la part d’Allah. Nous avons donc considéré comme licite ce qu’il nous l’a déclaré comme tel, et vice-versa. Notre tribu, ô roi, s’était mise à nous agresser. Elle nous avait cruellement persécutés pour nous forcer à abjurer notre foi et nous faire retourner à l’adoration des fétiches. Après tant de traitements injustes, d’accablements et de contraintes pour nous séparer de notre religion. Nous avons, donc, décidé d’émigrer vers ton pays, nous vous avons donné la prédilection et nous avons désiré votre voisinage. Nous souhaitons donc que chez vous nous soyons à l’abri d’injustices nouvelles. »
Le Négus dit alors à Ja’far ibn Abû Tâlib : « Vous avez quelque fragment de ce qu’Allah a révélé à ton prophète? »
Ja’far répondit par l’affirmative et le Négus de lui en ordonner la lecture. Ja’far récita alors: « Kâf, Hâ, Yâ, ‘Ayn, Sâd. C’est un récit de la miséricorde de ton Seigneur envers Son serviteur Zacharie. Lorsqu’il invoqua son Seigneur d’une invocation secrète, et dit: « Ô mon Seigneur, mes os sont affaiblis et ma tête s’est enflammée de cheveux blancs. (Cependant), je n’ai jamais été malheureux (déçu) en te priant, ô mon Seigneur» [14]
Ja’far ayant terminé une partie de la sourate, le Négus se mit à pleurer au point d’avoir mouillé sa barbe de ses larmes, tel fut aussi l’état de ses patriarches qui mouillèrent leurs livres des larmes de leurs yeux sous l’émotion qui les gagnait par les paroles d’Allah.
Le Négus s’adressa alors à nous, en disant: « Certes, ce qu’a été révélé à votre Prophète et ce qu’a été révélé à Jésus, émanent de la même source de Lumière »
Puis, il se tourna vers ‘Amr et son compagnon et leur dit: « Allez-vous-en ! Par Dieu ! Je ne les vous remettrai jamais. »
Umm Salama poursuivit son récit et dit :
« Quand nous sortîmes de chez le Négus, ‘Amr ibn Al-‘As se mit à nous menacer en disant à son compagnon : « Par Dieu! Je viendrai demain voir le roi et je lui raconterai ce que soulèvera sa colère contre eux et rendra son cœur plein de haine à leur détriment. Je l’inciterai à les exterminer jusqu’au bout »
‘Abd-Allâh ibn Abû Rabi’a lui répondit : « Ne le faites pas, ô ‘Amr. Ils sont nos parents, même s’ils se sont opposés à notre religion ». – « Laissez-cela à part, dit ‘Amr, par Dieu! Je l’informerai de tout ce qui les mettra dans une situation périlleuse. Par Dieu! Je lui dirai qu’ils prétendaient que Jésus, fils de Marie n’est qu’un serviteur.»
Au lendemain, ‘Amr vint trouver le Négus et lui dit : « Ô roi ! Ceux-ci mêmes que vous avez hébergés et protégés, inventent des mensonges à l’encontre de Jésus fils de Marie. Veuillez les réunir pour les interroger sur ce qu’ils prétendent à son propos. »
Ayant eu connaissance de ceci, nous fûmes extrêmement accablés et chagrinés. Les uns disent aux autres : « Qu’est-ce que vous direz au sujet de Jésus, fils de Marie si le roi vous pose la question à son sujet ? » Nous répondîmes : « Par Allah ! Nous ne dirons à son sujet que ce qu’Allah a révélé à son sujet. Nous ne trahirons d’un pouce ce que fut révélé à notre Prophète. Advienne que pourra ». Nous nous mîmes d’accord pour laisser la parole à Ja’far ibn Abû Tâlib encore une fois.
Une fois chez le Négus, nous trouvâmes chez lui ses patriarches dans un état typiquement semblable à celui de la dernière fois. Nous y trouvâmes aussi ‘Amr ibn Al-‘As et son compagnon. Le Négus commença le premier à parler et nous dit : « Que dites-vous au sujet de Jésus, fils de Marie ? » Ja’far répondit : « Nous disons à son sujet ce qu’a été révélé à notre Prophète Muhammad (psl). » Le Négus demanda : « Et qu’est ce qu’il en dit ? » – « Il dit qu’il est le serviteur d’Allah et de Son envoyé, Son esprit et Sa parole qu’Il a envoyé à la Vierge Marie ». Dès que le Négus eut entendu les paroles de Ja’far, il tapa la terre de sa main, en disant : « Par Dieu! Il n’y a point de différence entre ce que le fils de Marie avait dit et ce qu’a été révélé à votre Prophète. » Au grand scandale des patriarches, ils s’éloignèrent du Négus qui leur dit : « Même si vous vous éloignez de moi ! » Puis, il se tourna vers les musulmans et leur dit : « Allez-vous-en vous êtes en sécurité! Quiconque vous adresse une parole obscène sera assujetti à une amende. Et quiconque vous agresse, sera puni. Par Dieu! Je préfère votre sécurité à la possession d’un mont d’or ». Puis, il regarda ‘Amr et son compagnon et dit: « Rendez à ces deux hommes-là leurs cadeaux. Je n’en ai point besoin. »
Umm Salama reprit : « Consternés et déçus, ‘Amr et son compagnon partirent. Quant à nous, nous passâmes un séjour parfait chez le Négus qui fut le plus généreux des hommes.
Quand une délégation de Chrétiens d’Abyssinie vint à Médine, le Prophète Mohammed (que la paix soit sur lui) les hébergea dans une mosquée et prit personnellement soin d’eux. En leur servant à manger, il leur dit qu’ils avaient été si généreux et obligeants envers ses compagnons qui avaient émigré dans leur pays qu’il tenait à les honorer lui-même. »

d- Le roi des Qubt [15]
On cite les échanges qui ont eu lieu entre le Prophète et ce roi :
Le prophète lui proposa dans une lettre pleine de douceur de respect et de sagesse d’embrasser la religion de l’unicité. En retour, celui-ci lui offrit de précieux cadeaux dont Maria qui lui donna son enfant Ibrahim qui mourut peu de temps après sa naissance. Le Prophète a accepté tous les cadeaux du roi, excepté un médecin, car disait t-il, « notre alimentation est mesurée ».
Les Coptes d’Égypte bénéficient d’un statut particulier et d’un rang distingué dans la mesure où le Messager de Dieu – paix et bénédictions sur lui – a fait à leur égard des recommandations spécifiques.
La Mère des Croyants Umm Salamah – que Dieu l’agrée – rapporte que le Messager de Dieu – paix et bénédictions sur lui – donna les recommandations suivantes avant de mourir :
« Je vous recommande par Allâh les Coptes d’Egypte. Vous les vaincrez et ils seront pour vous un appui matériel et un renfort dans le chemin d’Allâh »[16]
Les faits historiques confirmèrent ce que le Prophète – paix et bénédictions sur lui – avait annoncé. En effet, les Coptes accueillirent les conquérants musulmans et leur ouvrirent les bras quand bien même les Byzantins qui les gouvernaient auparavant étaient chrétiens comme eux. Puis, les Coptes embrassèrent la religion d’Allah en grand nombre …
L’Egypte fut la porte de l’Islam pour l’Afrique toute entière et ses habitants furent désormais des appuis et des renforts dans le chemin de Dieu. Abû Dharr – que Dieu l’agrée – rapporte que le Messager de Dieu – paix et bénédictions sur lui – dit :
« Vous conquerrez une terre où l’on traite du qirât. Soyez pleins d’égard envers sa population car elle dispose d’une dhimmah et d’un lien de parenté. » Dans une variante : « Vous conquerrez l’Egypte, une terre où l’on use du qirât (une fraction du dirham et du dinâr et d’autres monnaies, fréquemment utilisée par les Egyptiens et qui est encore en cours dans le cadastre, l’orfèvrerie et toutes sortes de choses divisibles en 24 qirâts), lorsque vous la conquerrez, soyez pleins d’égard envers sa population car elle dispose d’une dhimmah et d’un lien de parenté » et dans une autre variante « elle dispose d’une dhimmah et d’un lien matrimonial »[17]
Selon les explications des avants, le lien de parenté fait référence au fait que Hagar, la mère d’Ismaël – paix sur lui – est des leurs (Egyptienne) alors que le lien matrimonial fait référence au fait que Maria, la mère d’Ibrâhîm, le fils du Messager de Dieu – paix et bénédictions sur lui – est des leurs.[18]
D’après Ka`b Ibn Mâlik Al-Ansârî : J’entendis le Messager de Dieu – paix et bénédictions sur lui – dire :
« Lorsque l’Egypte sera conquise, soyez pleins d’égard envers les Coptes car ils disposent d’un lien de sang et de parenté » et dans une narration « ils disposent d’une dhimmah et d’un lien de parenté » signifiant par là que la mère d’Ismaël était des leurs. » [19]
Ici, le Messager donne aux Coptes plus de droits que les autres car ils bénéficient de la dhimmah c’est-à-dire le pacte de Dieu et de Son Messager et le pacte de la communauté musulmane, un pacte digne d’être honoré et soigné. Ils disposent également de liens de parenté et de sang qui leur sont exclusifs dans la mesure où Hagar était des leurs ainsi que Maria la Copte qui donna au Prophète – paix et bénédictions sur lui – son fils Ibrâhîm

e- Omar à Jérusalem
Le calife confia les affaires de l’Etat à Ali et se rendit à Jérusalem. Il avait un serviteur pour seule escorte et il n’y avait qu’un chameau qu’ils chevauchaient chacun à leur tour. Le jour de leur arrivée à Jérusalem, c’était le tour du serviteur de monter la bête :
« Commandeur des croyants, je te cède la monture, ce serait d’un piètre effet aux yeux des gens si je montais la bête, tandis que toi tu la guides. »
« Non », répondit Omar, « je ne vais pas me montrer injuste. L’honneur de l’islam est amplement suffisant pour nous tous. »
Abu Obaid, Khalid, Yazid et les autres officiers de l’armée s’étaient avancés pour recevoir le calife. Tous portaient des tuniques de soie, ce qui rendit Omar furieux. Il fit de vifs reproches à ses généraux en disant :
« Avez-vous donc tant changé en l’espace de deux ans ? Qu’est ce que cet accoutrement ? Même si vous aviez fait cela 200 ans avant, je vous aurais démis. »
Les officiers répondirent : « Nous sommes dans un pays où la qualité du vêtement atteste le rang de l’homme. Si nous portons des vêtements ordinaires nous inspirerons peu de respect aux gens. Cependant, nous portons nos armes sous nos robes de soie. » Cette réponse apaisa la colère du calife.
Ensuite Omar signa le traité de paix connu jusqu’à nos jours sous le nom « Assurance de Omar ». Il se présenta comme suit (extrait) :
« Du serviteur de Dieu et commandeur des croyants, Omar.
Les habitants de Jérusalem sont assurés de la sécurité de leur vie et de leurs biens. Leurs églises et croix seront préservées. Leurs lieux de culte resteront intacts. Ils ne pourront être confisqués ou détruits. Ce traité s’applique à tous les habitants de la cité. Les gens seront tout à fait libres de suivre leur religion, ils ne devront subir aucune gêne ou trouble… »
[Ref. At-tabari, op.cit, 2éme partie page 449.
Le patriarche orthodoxe de Jérusalem publia le 01 janvier 1953 une copie de l’original du manuscrit de la librairie d’Al-fanar (dans un des districts administrés par Istanbul) de ce qui serait « L’assurance de Omar » (Bibliothèque du Patriarcat de Jérusalem, Document n° 552).]

Les portes de la ville étaient ouvertes. Omar se dirigea directement vers le Temple de David (Masjid Al Aqsa.) Il fit sa prière sous l’arche de David.
Il visita ensuite la plus grande église de la ville. Il s’y trouvait justement lorsque vînt l’heure de la prière de l’après midi.
« Tu peux faire ta prière dans l’église », dit l’évêque. « Non », dit Omar. « Si je fais cela, il pourrait arriver un jour que les musulmans prennent cette excuse pour s’emparer de votre église. »
Ainsi, il préféra faire sa prière sur les marches de l’église. De plus, il donna un écrit à l’évêque, qui stipulait que les marches ne devaient pas être utilisées pour la prière en commun ni pour l’appel à la prière.

f- La mosquée d’Omar
Omar voulut bâtir une mosquée à Jérusalem. Il demanda à l’évêque quel site conviendrait le mieux à son projet. L’évêque lui suggéra le Sakhra, à savoir le rocher où Allah s’adressa au Prophète Jacob. Les chrétiens y avaient amoncelé des immondices pour irriter les juifs. Omar lui-même prit part au nettoyage. Jérusalem, cité du Christ était ainsi témoin du sens de l’équité qui caractérisait l’Islam et qui est une conséquence du bon dialogue, du respect et de la reconnaissance de l’autre. Lorsque toute trace d’impureté fut enlevée, on bâtit une mosquée à cet endroit qui existe encore de nos jours et est connue sous le nom de Mosquée de Omar.

3 La reconnaissance mutuelle : une autre dimension du dialogue

Souvent, le concept de « tolérance » est utilisé dans le cadre du dialogue interreligieux. On ne trouve nul part dans le Coran ou la Sunna ce concept. Tolérer, peut conduire à accepter quelqu’un à contre cœur ou avec des réserves et garder sa distance par rapport à lui : certains historiens prétendent que ce mot est né des conflits entre protestants et catholiques.
Or, en Islam, la tolérance est une reconnaissance mutuelle c’est-à-dire qu’elle exige un dialogue permanent et un partage :
« Ô hommes, Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez »[20]
Le croyant est amené grâce à son éducation spirituelle à aimer l’autre, car son cœur est rempli d’amour de Dieu et de son Prophète et « Dieu n’a assigné deux cœurs au ventre d’aucun homme »[21], d’où il ne peut qu’aimer les créatures sans distinction et communiquer avec elles sans préjugés.
Le croyant vrai comprend par le biais de la pratique des prescriptions divines et de l’éducation spirituelle muhammadienne : que le seul juge est Dieu !
Il comprend aussi que les croyances peuvent être différentes ou divergentes, et il comprend et communique avec l’autre en l’aimant et en le respectant : car l’être humain quel que soit sa race ou sa religion est issu du souffle de Dieu[22].

[1] Coran 29,46

[2] âl-`Imrân : 64

[3] Sourate III, verset 66-67

[4] Al Qur’ân Al Karîm, traduction et notes Salah Eddin Kechrid, édition Dar al-gharb al-islami

[5] Sourate III, verset 64 « Dis : « Ô gens du Livre, venez à une parole commune entre nous et vous : que nous n’adorions qu’Allah, sans rien Lui associer, et que nous ne prenions point les uns les autres pour seigneurs en dehors d’Allah….. ».

[6] Le verset dans lequel Dieu lance cette ordalie : « Oui, au regard de Dieu, il en est de Jésus comme d’Adam qu’Il créa de poussière, puis à qui Il dit : « sois » : et il fut La vérité est de ton Seigneur. Ne sois donc pas du nombre des sceptiques. A qui en dispute avec toi, maintenant que la science t’est venue, tu n’as qu’à dire : « Venez, appelons nos fils et vos fils, nos femmes et vos femmes, nos propres personnes et les vôtres, puis exécrons les menteurs en proférant sur eux la malédiction de Dieu ».

[7] Al Qur’ân Al Karîm, traduction et notes Salah Eddin Kechrid, édition dar al-gharb al-islami

[8] Le Prophète (psl) était persuadé de rallier facilement à l’Islam les « unitaires », les  » gens des Écritures  » (Ahl al Kitab), c’est à dire les Chrétiens et les Juifs, et d’abord parce qu’il se réclamait de Jésus, de Moïse et surtout d’Abraham, symbole du monothéisme et de la foi sous leur forme la plus haute. Il fait aux uns et aux autres des concessions. A l’évêque de Najran, venu lui rendre visite, il permet de célébrer la messe dans sa propre Mosquée. Nombre de rites sont admis par l’Islam. La direction de la prière musulmane (Qibla) est orientée dans un premier temps vers Jérusalem. (Voir Nûr Al yaqîn fî sîrati sayyidi almursalîn du Sheikh Muhammad Al khadrî, les éditions : Dar al-jîl Beyrût et Dar ammâr Oman, 1995, p. 309.

[9] Nûr Al yaqîn fî sîrati sayyidi almursalîn du Sheikh Muhammad Al khadrî, Ed. Dar al-jîl Beyrût et Dar ammâr Oman, 1995, p. 303-304

[10] Al Bukhâri n° 4341 et Muslim sous le numéro 1733

[11] La Sira d’Ibn Ishâq et voir Nûr Al yaqîn fî sîrati sayyidi almursalîn du Sheikh Muhammad Al khadrî, Ed.Dar al-jîl Beyrût et Dar ammâr, Oman, 1995, p. 309

[12] Voir Nûr Al yaqîn fî sîrati sayyidi almursalîn du Sheikh Muhammad Al khadrî, Ed.Dar al-jîl Beyrût et Dar ammâr, Oman, 1995, p. 233-234

[13] Coran Sourate 3 verset 199

[14] Coran, XIX, 1-4

[15] Voir Nûr Al yaqîn fî sîrati sayyidi almursalîn du Sheikh Muhammad Al khadrî, Ed. Dar al-jîl Beyrût et Dar ammâr, Oman, 1995, p. 232-233
Le Muqawqas roi des coptes a beaucoup apprécié la lettre du prophète : il dit de lui : « il a l’outils de la prophétie » et il dit au messager : « tu es un sage venant de chez un sage »

[16] Cité par Al-Haythamî dans Majma` Az-Zawâ’id, volume 10, p. 62 , rapporté par At-Tabarânî, ses narrateurs sont ceux du Sahîh

[17] Ces deux énoncés figurent dans Sahîh Muslim, numéro 2543, chapitre de la recommandation du Prophète – paix et bénédictions sur lui – au sujet du peuple d’Egypte, et dans Musnad d’Ahmad, volume 5, p. 174

[18] Cf. An-Nawawî dans Riyâd As-Sâlihîn « Les Jardins des Vertueux », hadith 334, édition Al-Maktab Al-Islâmî Sans surprise, l’Imâm An-Nawawî mentionna ce hadîth dans son livre Riyâd As-Sâlihîn, chapitre de « la bienfaisance envers les parents et l’entretien des liens de parenté », mettant en avant ce lien de parenté que Dieu et Son Messager ont ordonné d’entretenir entre les musulmans et les habitants d’Egypte avant même qu’ils n’embrassent l’islam.

[19] Cité par Al-Haythamî, volume 10, p. 62 ; il dit : rapporté par At-Tabarânî, selon deux chaînes de narrateurs, l’une d’elle étant une chaîne du Sahîh. Il fut également rapporté par Al-Hâkim selon la deuxième transmission. Il le jugea authentique selon le critère des deux Sheikh , jugement partagé par Adh-Dhahabî, volume 2 p. 753, et selon Az-Zuhrî : le lien de parenté désigne le fait que la mère d’Ismaël était des leurs.

[20] Sourate 49, verset 13

[21] Sourate 33 verset 4 : on voulait faire allusion au fait que des sentiments opposés à l’égard de quelqu’un ou de quelque chose ne pouvaient coexister en même temps chez un homme (dans le cœur d’un homme croyant).

[22] « Il lui donna sa forme parfaite et lui insuffla de Son esprit » (Coran, Sourate 32 verset 9).