Hikma n°91 – Ibn ‘Atâ’i -Llâh Al-Iskandarî commenté par Ahmad Ibn Ajiba

Il n’a situé dans l’autre monde le lieu de la récompense de Ses serviteurs croyants que parce que ce monde ne peut contenir ce qu’Il veut leur donner, Et parce qu’Il estime trop leur valeur pour les récompenser dans un monde qui passe.

            Il n’y a nul doute quant au fait que Dieu a fait de ce monde le lieu de l’illusion et qu’il y a décrété la destruction et la ruine. Ce lieu est vil et éphémère. On l’appelle “dunya” car elle est proche de nous et elle est vile comme nous. Ce lieu est contracté dans le temps et dans l’espace. L’autre monde, lui, se nomme le Lieu de la Résidence : le lieu du dévoilement des lumières et des secrets, le lieu de la Vision et de la réjouissance, de la joie et du bien-être perpétuels, le lieu de la contemplation des amants et de la levée du Voile. Son bienfait est constant et il sera toujours là.

            C’est la raison pour laquelle Dieu a fait de ce lieu-là le lieu de la récompense de Ses serviteurs croyants, et le siège de véracité des prophètes et des sincères. Il ne désire pas leur donner en récompense un lieu de non-permanence, limité par le temps et l’espace, et qui de plus est, un monde d’impureté, d’altérité et de déshonneur qui est limité et donc qui ne Le contient pas en entier et ne contient pas ce qu’Il veut leur donner en terme de récompense. Ce monde ici-bas n’est pas assez vaste pour contenir l’honneur que le Tout-Puissant désire octroyer à Ses serviteurs croyants. En effet, le moins élevé des gens du Jardin possède dix fois l’équivalent de ce monde, alors qu’en est-il du serviteur élevé ? Le Très-Haut dit : “Aucun être ne sait ce qu’on a réservé pour eux[1]comme réjouissance pour les yeux, en récompense de ce qu’ils oeuvraient !” (Coran 32 : 17) Le Prophète -sur lui la paix et le salut -a dit : “Dieu le Tout-Puissant a préparé pour Ses serviteurs véridiques ce que nul oeil n’a jamais vu, que nulle oreille n’a entendue et qu’aucun coeur humain n’a jamais imaginé”.

            Dieu a trop d’estime pour Ses serviteurs croyants et des Ses rapprochés pour les récompenser en un lieu qui manque de permanence. La prospérité de ce monde est ruine et son existence est un mirage ! On a dit : “Même si ce monde était en or, il disparaîtrait. Même si l’Au-delà était en argile, il resterait. L’homme intelligent, c’est celui qui prend ce qui reste et qui laisse ce qui est périssable”. En réalité, c’est l’opposé : c’est l’Au-delà qui est en or et qui reste, et c’est l’ici-bas qui est en porcelaine et qui passe. Nul ne choisit ce monde sinon celui que Dieu à désigner pour la détresse et l’avilissement.

            Dans un autre hadith on lit : “Bienheureux celui qui opte pour ce qui subsiste, ce dont le bienfait triomphe sur ce dont l’exil et la rétribution est sans fin !” Lui est rendu ce qu’il a donné. Celui qui a amassé de ce monde et qui l’a couvé, c’est lui le miséreux.

            Abu Ayyub al-Ansari a dit : “J’ai entendu l’Envoyé de Dieu -sur lui la paix et le salut -dire : “Pare-toi d’obéissance, et porte-la comme une armure de crainte. Fais de l’Au-delà ta résidence et concentre tes efforts sur ce qui subsistera pour toi. Sache que ton voyage se fait du plus petit vers Dieu. Ici-bas, tout ce qui t’es d’une quelconque utilité, ce sont tes bonnes action qui te précèdent, et de penser à l’excellente récompense que tu auras en retour ! Tu vas vers ce qui te précède et il t’es rendu ce que tu as avancé. Ne laisse donc pas la subtilité de ce monde vil t’illusionner au sujet des hauts degrés des Jardins. Ce sera là-bas comme si ton armure t’était ôtée, que ton doute se dissipait, et chaque homme rencontrera ce qui subsiste pour lui et reconnaîtra sa demeure et sa direction finale”.

La récompense dans ce monde est donnée en fonction de ses actions dans ce monde, si toutefois elles sont acceptées par Dieu. Son acceptation n’est pas visible, mais elle a des signes grâce auxquelles elle se fait savoir. C’est ce qu’Il indique :

Trouver le fruit de son action en ce monde : preuve qu’elle est agréée dans l’autre.


[1]Le Coran donne, dans les versets précédents, une indication quant à ceux qui sont les véritables “serviteurs croyants” dont il est question : “Seuls croient en Nos versets ceux qui, lorsqu’on les leur rappelle, tombent prosternés et, par des louanges à leur Seigneur, célèbrent Sa gloire et ne s’enflent pas d’orgueil”. Il s’agit en effet des croyants sincères, véridiques dont parle Ibn ‘Ajiba.