Hikma n°87 – Ibn ‘Atâ’i -Llâh Al-Iskandarî commenté par Ahmad Ibn Ajiba

Si tu vois un fidèle que Dieu astreint à la pratique des dévotions externes, et l’y maintient longtemps, même après l’avoir favorisé de nombreuses grâces,  Ne méprise pas ce que son Seigneur lui octroie parce que tu ne vois en lui ni la marque des connaissants en Dieu ni l’allégresse des amants : Il n’y aurait pas pratiques de dévotions externes s’il n’y avait pas aussi touches mystiques.

            Ce dont parle le shaykh ici, c’est d’une chose qui a une très grande importance dans ce chapitre sur le comportement. L’on ne doit jamais tenir en aversion les épiphanies de Dieu, quelles qu’elles soient. On ne doit pas lutter contre le Tout-Puissant, ni s’opposer au Conquérant, ni contredire l’Omniscient.

            Si tu vois que Dieu a octroyé à quelqu’un des dévotions externes (wird), comme par exemple beaucoup de prières, de jeûne, d’invocations, de récitation du Coran, qu’il s’efforce à faire de son mieux, et qu’il reste constant dans sa pratique, qu’il se fortifie intérieurement et qu’il écarte ses distractions et les perturbations extérieures, mais que malgré tout cela Dieu ne lui a pas donné l’ouverture spirituelles dans la science des saveurs et les actions du coeur, ne méprise pas son état et ce que son Seigneur lui a donné car tu ne vois pas sur lui la marque des gnostiques -la quiétude, la paix intérieure et celle du corps et du coeur grâce à la douce brise de l’agrément et de la soumission de l’esprit.

            Le shaykh Zarruq a dit : “Les connaissants en Dieu portent trois marques. La première, c’est de se détourner de tout autre que Celui qu’ils reconnaissent en toute chose et en tout état. La seconde, c’est de se tourner vers Lui par l’abandon en Lui de son sort et d’établir le bon droit. La troisième, c’est de se réjouir en Lui quoi qu’Il fasse advenir”.

            Ne méprise aucun état parce que tu n’y vois pas la radiance des amants -la joie pour le Bien-Aimé, l’abondance de Sa remémoration (dhikr), la reconnaissance, le ravissement en Son amour, l’empressement vers ce qu’Il aime, la recherche de Son bon plaisir, la révérence devant Son immensité et l’acceptation de Son décret, devant Sa puissance.

            Sois humble devant Celui que tu désires. La passion est une voie difficile.

                        Si tu contentes ton Bien-Aimé, il te sera donné d’arriver.

            Sois humble devant Lui et tu gagneras la perception de Sa beauté.

                        Celui qui aime a des obligations et des désirs qui incombent à son état !

Comment peux-tu mépriser Celui que tu sers en permanence par les actes d’adoration que tu Lui adresses en permanence ? S’il n’avait pas fait l’expérience de cet état de fait intérieurement, de cette touche mystique (warid), il ne pourrait pratiquer autant de dévotions externes. S’il n’y avait pas eu de touche mystique, il n’y aurait pas de dévotion ! La touche mystique, c’est ce que Dieu t’envoie, et l’acte de dévotion, c’est ce que tu envoies à Dieu. “Et n’eussent été la grâce de Dieu envers vous et Sa miséricorde, nul d’entre vous n’aurait jamais été pur.”(Coran 24 : 21) ; “Et n’eussent été la grâce de Dieu sur vous et Sa miséricorde, vous auriez suivi le diable…” (Coran 4 : 83) : “…un peuple qu’Il aime et qui L’aime…” (Coran 5 : 54) ; “Puis Il agréa leur repentir pour qu’ils reviennent (à Lui)…” (Coran 9 : 118) C’est donc l’action divine de grâce qui précède toute chose, puis les hommes reçoivent la guidance. Tout est dans la main de Dieu. En réalité, le succès émane de la prescience divine, et il n’y a de puissance ou de force qu’en Dieu !

            Le shaykh Abu l-Hassan ash-Shadili a dit : “Respecte le musulman, même s’il est un insoumis totalement égaré. Applique contre lui la peine légale (hadd) et évite le par miséricorde afin de l’épargner. Mais ne le méprise pas !”

            Le shaykh Zarruq a dit : “Celui à qui la Vérité est prescrite [le musulman] doit être respecté par son engagement. S’il est hypocrite, cela ne concerne que la personne et Celui à qui il est prescrit. Il ne nous incombe, à nous, que de faire reconnaître au déviant son tort, comme si on était un esclave à qui le maître autorisait à corriger son fils afin de l’enseigner, mais que l’on corrige sans mépris. Al-Harrani a écrit :

            Sois clément envers toute créature,

                        regarde-les par l’oeil de la douceur et de la compassion,

            Respecte l’ancien et pardonne au jeune,

                        donne à chaque créature sa place dans la création.

L’accomplissement fréquent d’actes d’adoration externes, c’est à dire le service du corps, c’est la tâche qui revient aux gens du service. Ce sont les serviteurs et les ascètes. Migrer du support extérieur vers le support du coeur, c’est la tâche des gens de l’amour et de la gnose. Tous sont les esclaves de Dieu, tous bénéficient de Sa faveur et seul l’ignorant ou le jaloux peut mépriser un de ceux-là. C’est ce que dit Ibn ‘Ata- Allah dans ce qui suit :

Certains, Dieu les réserve pour Son service, d’autres, Il les honore de Son amour : “Nous les aiderons tous, ceux-ci comme ceux-là, du don de ton Seigneur, et le don de ton Seigneur ne peut être empêché.” (Coran 17 : 20)