Hikma n°92 – Ibn ‘Atâ’i -Llâh Al-Iskandarî commenté par Ahmad Ibn Ajiba

Trouver le fruit de son action en ce monde : preuve qu’elle est agréée dans l’autre.

            Le fruit de son action, c’est le plaisir pris dans l’obéissance, la douceur du dialogue intime, la familiarité du disciple avec la minutie dans ses actes d’adoration et la joie de son âme lors du face-à-face et de son secret intime dans l’échange direct. “…et, certes, chaque tribu sut où s’abreuver !” (Coran 2 : 60) La preuve de l’existence en soi de ce fruit, c’est l’énergie avec laquelle on se lève pour agir, de plaisir avec lequel on agit, la persistance dans ses actions et soutien divin constant dans l’action. Voilà le signe que la guidance descend dans le coeur. Le Très-Haut dit : “et puisse Dieu rajouter en guidance à ceux qui bien se guident !” (Coran 19 : 76) Al Busiri  dit dans son poème en hamza[1] :

            Lorsque la guidance se pose dans le coeur, Le corps s’affaire à l’adoration.

            Lorsque l’on voit quelqu’un s’affairer soudainement dans ses actes d’adoration et s’élever dans des états, on comprend qu’il a goûté au fruit de ses oeuvres. Cette la bonne nouvelle pour lui que ses oeuvres sont acceptées de Dieu. En revanche, lorsque l’on constate que quelqu’un diminue ses actions pieuses ou qu’il s’abaisse dans ses états, nous pouvons craindre que ses oeuvres ne soient pas agréées. Un autre fruit de son action, c’est l’aliénation de la mondanité, de la création et des hommes, qui s’accompagne d’intimité d’avec le Seigneur.

D’autres fruits de son action, ce sont le fait de se satisfaire de la connaissance de Dieu Seul et de n’avoir besoin de Lui Seul. Le shaykh Zarruq a ajouté : “avoir une bonne vie, des paroles porteuses et la négation de la tristesse par la joie de la faveur divine”.

La preuve du premier (fruit de la bonne action donnée par le shaykh Zarruq) se trouve dans la parole du Très-Haut : “Quiconque, mâle ou femelle, fait une bonne oeuvre tout en étant croyant, Nous lui ferons vivre une bonne vie”. (Coran 16 : 97) Une bonne vie, c’est une vie de contentement. C’est aussi une vie de plaisir et de soumission à Dieu. En réalité, c’est la connaissance spirituelle.

La preuve de la seconde, des paroles porteuses, se trouve dans la parole du Très-Haut : “Dieu a promis à ceux d’entre vous qui ont cru et fait les bonnes oeuvres qu’Il leur donnerait la succession sur terre comme Il l’a donnée à ceux qui les ont précédés”. (Coran 24 : 55) L’efficacité et l’exécution de la Parole, c’est le khalifat de l’homme sur Terre. Dieu a aussi dit : “Nous les fîmes des dirigeants qui guidaient par notre ordre” (Coran 21 : 73) Ceci est dû à leur constance inébranlable.

La preuve de la troisième, la négation de la tristesse, est celle de l’expérience de l’action elle-même : la douceur de la bonne action fait oublier la tristesse et le malheur car elle est suave comme les bienfait du Jardin. Et le Très-Haut dit au sujet des gens du Jardin : “Et ils diront : Louange à Dieu qui a écarté de nous l’affliction”. (Coran 35 : 34) Dieu sait mieux.

            Toutefois, on doit faire attention à ne pas s’arrêter à la station de la douceur dans l’acte d’obéissance. Voilà un poison mortel ! Lorsque on énumère les doux fruits des bonnes actions, ce sont ceux que récoltent les hommes de Dieu. Ou encore : lorsqu’on glose sur la manière de reconnaître une action agrée d’une action rejetée par Dieu, ce sont celles de l’amoureux par apport à l’inconscient.

            Puis il [Ibn ‘Ata- Allah] dit :

Veux-tu savoir ta valeur auprès de Lui ? Regarde à quoi Il t’emploie.


[1] Al-Qasida al-Hamziyya, poème d’al-Busiri à l’éloge du Prophète  qu’Ibn ‘Ajiba avait étudié durant sa jeunesse et dont il écrivit un commentaire, Al-Anwar al-Saniyya fi Sharh Qasidat al-Hamziyya, en 1788-9.