Hikma n°89 – Ibn ‘Atâ’i -Llâh Al-Iskandarî commenté par Ahmad Ibn Ajiba

Il est rare que les visites divines ne soient pas subites, Afin que personne ne se prévale de les avoir méritées par ses prédispositions.

            Al-Qushayri a dit : “Une touche mystique, c’est une bonne pensée qui te pénètre le coeur, et dont le serviteur n’a aucune emprise. Les touches mystiques ont un sens plus général que les états “traversants” (khawatir), qui, eux, sont plus spécifiques et renvoie à une modalité particulière d’un enseignement. La touche mystique, elle, peut être exprimer la joie, la tristesse, la contraction, la dilatation et d’autres sentiments encore. Elle est assez proche de la fulgurance spirituelle (hal).

            On interrogea le shaykh ‘Abd al-Qadir al-Jilani sur la manière de distinguer les touches divine des suggestions sataniques. Il répondit : “La touche divine ne vient pas grâce à l’action et ne disparaît pas pour une raison humaine. Elle ne prend pas de forme unique et ne vient pas toujours au même moment. En cela les inspirations sataniques sont différentes”.

            Les touches mystiques dont nous parlons ici, ce sont des touches particulières. Ce sont les souffles divins qui traversent les coeurs, les esprits ou les secrets intimes, et qui permettent au coeur de se retirer jusqu’en la Présence du Connaissant du monde invisible, et aux esprits et aux secrets intimes d’entrer dans le Jabarut du Tout-Puissant, de l’Imposant. Les hommes sont ahuris de joie et de bonheur, et ils dansent par ravissement et par alanguissement. Lorsque les esprits se mettent à désirer la rencontre, les formes dansent. Sache-le, Ô toi l’ignorant de la subtilité ![1]

            Il est rare que ces touches divines adviennent autrement que par fulgurance, car elles ne sont pas le fruit d’un mérite humain. Ce sont des ouvertures spirituelles données par le Généreux Donateur. Si on pouvait les obtenir par mérite ou par une application quelconque, ce sont les ascètes et les hommes du service qui en seraient dépositaires, par leur disposition intérieure. Mais à ce moment-là, ce ne seraient que des choses que l’ont acquiert. Les états et les touches mystiques sont des dons de Dieu. “…Dieu réserve à qui Il veut Sa miséricorde. Et c’est Dieu le Détenteur de l’abondante grâce.” (Coran 2 : 105)

            On a dit : “Il y a trois raisons expliquent le fait que ces touches soient fulgurantes. La première, c’est afin que l’on reconnaisse qu’elles proviennent de Dieu. La seconde, c’est afin que l’on les chérisse à leur juste valeur et qu’on en retire une immense joie lorsqu’elles surviennent. La troisième, c’est de comprendre son caractère infiniment précieux puisque qu’elles proviennent du Précieux Tout-Puissant (‘Aziz).

Ces touches divines et ces dons particuliers sont donc des secrets donnés par le Généreux, le Tout-Pardonnant, qu’Il ne confie qu’aux gens de Sa confiance et de Sa protection, et non aux gens de la traîtrise et de la divulgation, comme le dit Ibn ‘Ata- Allah :

Si tu vois quelqu’un répondre à toute question, extérioriser tout ce qu’il contemple et rapporter tout ce qu’il apprend, Conclues-en à son ignorance.


[1]Ibn ‘Ajiba parle de la Hadhra, ou extase mystique, la danse spontanée qui peut survenir dans le quotidien du soufi, notamment lors des scéances d’invocations ou de chants de louanges. La fin de ce paragraphe indique qu’Ibn ‘Ajiba s’adresse autant au novice qu’au musulman qui condamnerait cette attitude qui peut lui sembler impropre et peu orthodoxe. Cette entrée fulgurante de l’esprit dans la Présence spirituelle n’est pas théorique, elle est une réalité vécue par les musulmans désireux de Dieu de par le monde.