Hikma n°58 – Ibn ‘Atâ’i -Llâh Al-Iskandarî commenté par Ahmad Ibn Ajiba

Si tu ne peux avoir un préjugé favorable à Son égard, à cause de Ses attributs, Aie un préjugé favorable, à cause de la manière dont Il te traite. A quoi t’a-t-il habitué sinon à la bonté, et de quoi t’a-t-il comblé sinon de bienfaits ?

            Pour ce qui est du préjugé favorable à l’égard de Dieu, il y a deux sortes de gens : ceux de l’élite et ceux du commun.

            Pour les gens de l’élite, leur préjugé favorable provient de la contemplation de la Beauté et la vision de Sa perfection. Alors, leur bon préjugé est permanent, quoi que Dieu leur envoie de beau ou de contraignant, car Il est vu avec des attributs et noms de miséricorde, de compassion, de générosité et de magnanimité, et cela est permanent. Lorsqu’il dévoile à eux une de ses effluves seigneuriales par Sa rigueur contraignante, les gens de l’élite savent que ce qui est à l’intérieur de cette épreuve, c’est une part pure de Sa grâce et de Sa miséricorde toute-englobante. Leur bon préjugé de Dieu est donc permanent en chaque état !

            Pour les gens du commun, leur préjugé favorable de Dieu leur vient de leur expérience de Sa générosité, de Son égard et de Ses faveurs. Mais lorsqu’un un épreuve leur advient, ils se tournent vers la générosité dont il leur avait fait montre dans le passé, vers Ses égards et Ses faveurs révolues. Ils comparent ce qui leur arrive avec ce qui leur était arrivé, ce qui leur permet de relativiser et d’accepter ce qui leur arrive. Cette attitude est pleine de faiblesse et de questionnement intérieur. Ce n’est pas le cas du premier groupe. Ceux-là sont forts de leur contemplation directe de l’attribut divin, et l’attribut divin est permanent. Le second groupe n’a des vision que l’action divine, qui peut changer à tout instant.

            O cheminant, si tu es incapable d’avoir un préjugé favorable de Dieu par la vision de Son attribut de compassion et de clémence qui sont immuables, alors au moins aies un préjugé favorable envers Celui qui te comble de ses bienfaits et de ses faveurs ! Dieu t’a-t-il habitué à autre chose que Ses bienfaits et Sa bienveillance ? T’a-t-il octroyé autre chose que Sa faveur abondante et Ses grâces innombrables ?

            L’Envoyé de Dieu -sur lui la paix et le salut -a dit : “Aimez Dieu pour ce qu’Il vous nourrit en grâces et aimez-moi par amour pour Dieu !”   

            Le shaykh ash-Shadili a dit :

            “Nous n’aimons que Dieu !

            Un homme lui a répliqué :

            -Votre aïeul a rejeté ces paroles, monsieur, par ses paroles : “Les coeurs sont disposés à aimer ce qui lui fait du bien[1].”

            Le shaykh ash-Shadili lui a répondu :

            -Nous ne voyons de bienfaiteur que Dieu, et n’aimons donc que Lui !”

            Il [ash-Shadili] a aussi dit : “Une nuit je récitai les versets “Je cherche protection auprès du Seigneur des hommes…” jusqu’à ce que j’arrive à “…contre le mal du mauvais conseiller, furtif, qui souffle le mal dans les poitrines des hommes[2]”, et une voix me dit : “le mal du mauvais conseiller, c’est celui qui vient s’immiscer entre toi et ton Bien-aimé, te rappelant tes mauvaises actions et t’empêchant de t’en remettre à Dieu dans le besoin, et que tu a fait beaucoup de choses qui appartiennent à la gauche et très peu qui appartiennent à la droite. Ainsi, tu te détournes de ton préjugé favorable de Dieu et de Sa générosité vers un mauvais préjugé de Dieu et de Son Envoyé ! Prends garde à ne pas entrer par cette porte ! Elle a causée la perte de nombreux adorateurs, d’hommes du détachement, de la soumission et du bon comportement !””

            Il dit aussi : “Le connaissant en Dieu, c’est celui qui voit les épreuves du temps dans la douceur qui émane de Dieu vers lui, et qui voit le mal dans la bonté de Dieu envers lui. Rappelle-toi les grâces qui te viennent de Dieu, et peut-être réussiras-tu !”

            Comme Dieu le Très-Haut ne t’a habitué qu’à Ses bienfaits et qu’Il ne t’a octroyé rien d’autre que Ses nombreuses faveurs, il est très étonnant que tu l’abandonnes et que tu recherches d’autres que Lui ! Voilà ce qu’il [Ibn ‘Ata- Allah] indique :

Ce qui est vraiment étonnant, c’est que  l’on veuille fuir ce à quoi on ne peut échapper et rechercher ce qui échappera nécessairement : “Ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, mais ce sont les coeurs dans les poitrines qui s’aveuglent” (Coran 22 : 46)


[1]Il se peut qu’il s’agisse du Qadi Iyad, auteur du Kitab ash-Shifa, une biographie du Prophète connue dans les milieux soufis, où on retrouve ces paroles.

[2]Dernière sourate du Coran (la 114), longue de 6 versets.