S’il t’ouvre une voie vers la connaissance, qu’importe si tes oeuvres sont minimes ? Cette voie, il te l’a ouverte, que parce qu’il veut se faire connaître à toi. Ne sais-tu pas que la connaissance est Son don, tandis que les œuvres sont ton offrande ? Quelle commune mesure entre ce qu’Il te donne et les offrandes que tu Lui présentes ?
T’ouvrir la voie vers la connaissance signifie te la préparer et te la rendre facile. On emploie ce terme généralement au sens positif. Ici il est associé à la connaissance des choses de la beauté et de leur provenance.
Ce qui est ouvert, c’est la porte, l’entrée. “Se faire connaître à toi”, signifie ici que Dieu veut enclencher la reconnaissance du disciple. On dit : “untel s’est fait connaître à moi” lorsque la personne a voulu se faire connaître à toi. La connaissance spirituelle enracine la réalité de ce qui est connu dans le cœur, de manière à ce que ce qui est connu ne peut plus le quitter.
Lorsque Dieu se manifeste à toi par Son Nom le Majestueux ou Son Nom le Conquérant et qu’ainsi il t’ouvre une porte et un chemin vers la reconnaissance de Lui, alors sache que Dieu t’as pris en charge et qu’Il t’a choisi pour t’octroyer Sa proximité et pour te donner Sa présence. Alors accroche-toi à la bienséance spirituelle envers Lui : sois satisfait et soumis à Lui, en tout état. Reçois tout cela avec joie et gratitude. Ne te préoccupe pas des œuvres que tu n’as pas accomplies pour Lui, que tu aurais pu accomplir. Cette manifestation de Dieu est un moyen d’accès aux œuvres de ton cœur. Il ne t’a ouvert cette porte qu’afin de lever le voile entre toi et Lui, et afin que tu ailles vers Lui. IL ne te guide vers les œuvres qu’afin que tu parviennes là où tu dois aller. Il y a une très grande différence entre les actions désordonnées et les états intérieurs de ton âme malade vers lesquels tu es guidé, et ce que Dieu te donne en termes de connaissance divine !
Alors, ô disciple, sois reconnaissant de ce qui t’a été donné de ces contemplations de la Majesté rigoureuse, ces vents puissants et des choses telles que les maladies, la douleur, la crainte, ainsi que tout ce qui est lourd et douloureux à l’ego, comme la pauvreté, l’avilissement social, le mépris des créatures, toutes ces choses que l’ego n’aime pas. Ce sont, en réalité, de grandes bénédictions et des dons généreux qui te montrent le degré de ta sincérité envers Dieu. En effet, le degré de la reconnaissance de Dieu est donné en fonction du degré de ta sincérité. Les hommes les plus affligés furent les prophètes, puis les meilleurs des hommes après eux, et puis les meilleurs après les meilleurs. Lorsque Dieu veut raccourcir la distance qui le sépare de Son serviteur, Il l’afflige afin de le purifier et de le nettoyer. Il sera donc prêt à entrer en Sa présence, tout comme l’argent et l’or sont purifiés par le feu pour rejoindre le trésor du roi.
Les shaykhs et les connaissants de Dieu se réjouissent de ces vents et les considèrent comme des dons. Le shaykh al-‘Imrani les nommait “la Nuit de la Majesté”, car il dit que “la contrition est la Nuit de la Majesté, qui est meilleure que mille mois[1] ”, car le disciple récolte les œuvres de son cœur par cet état. Un atome de ces œuvres vaut mieux qu’une montagne d’œuvres des organes externes. J’ai écrit deux vers à ce sujet :
Lorsque le temps de la nécessité frappe à ma porte,
Je lui ouvre celle de la joie et de la reconnaissance.
Je lui dis : “Sois la bienvenue, sois la bienvenue mille fois !
Ton temps passé à mes côtés vaut plus que la Nuit de la Majesté !”
Sache que ces vents de Majesté et de rigueur sont des épreuves venant de Dieu, et un indicateur ; ils sont ce par quoi on distingue l’argent et l’or du cuivre. Nombreux sont les prétendants qui exhibent leur savoir et leur confiance avec la langue. Alors les vents tempétueux des décrets divins les frappent et les retranchent dans le désert du désespoir et du refus. Si quelqu’un dit posséder une chose qu’il n’a pas, il sera mis à l’épreuve et disgracié.
Le shaykh Moulay al-‘Arabi avait l’habitude de dire : “Il m‘est toujours très étonnant de voir quelqu’un qui demande avec enthousiasme la connaissance de Dieu, puis, quand Dieu lui donne l’opportunité de Le voir, il s’enfuit et refuse de s’y confronter.” Le shaykh al-Buzidi a dit : “Il y a trois catégories de manifestations de la Majesté divine : celle de la punition et de l’expulsion, celle de la discipline et de l’admonition, et celle du cheminement et de l’ascension”.
Pour ce qui est de la catégorie de la punition et de l’expulsion, elle est appliquée ai disciple qui fait preuve d’impolitesse vis-à-vis de Dieu, et il en est puni. Comme il n’est pas conscient qu’il est puni pour cela, il se fâche, désespère et renie Dieu. Ainsi son état augmente sa distance de Dieu et son expulsion. Pour ce qui est de la catégorie de la discipline, elle est aussi appliquée celui qui se montre impoli vis-à-vis de Dieu. Dieu le remet à sa place, Il l’enseigne par ce geste et il lui fait voir son impolitesse spirituelle. Il cesse alors de négliger Dieu. C’est donc une bénédiction que d’être traité par Dieu par voie d’admonition. Pour ce qui est de la catégorie du cheminement et de l’ascension, elle est celle de ceux qui reçoivent ces manifestations de la Rigueur sans qu’il n’ait mal agi pour les recevoir. Il reçoit la connaissance de Dieu et se discipline lui-même grâce à ces manifestations. Il s’élève ainsi jusqu’à la station de l’enracinement et de la ferme conviction. Voilà pourquoi on a pu dire : “L’enracinement varie en fonction de la mise à l’épreuve”.
Conseil : Si tu as besoin d’être soulagé du poids de la Rigueur divine, alors accueille-la par son opposé : la Beauté divine. Elle se transformera immédiatement en Beauté. La méthode à suivre, c’est que lorsqu’il se manifeste à toi extérieurement par Son Nom “le Contraignant”, tu dois Le rencontrer avec la dilatation intérieure. La contraction deviendra une dilatation. Lorsqu’il se manifeste à toi par Son Nom “Le Fort”, accueille le avec ta faiblesse. Lorsqu’il te fait connaître Son Nom “Le Puissant”, accueille-le avec ton humilité. C’est comme cela que l’on unit les contraires.
Le shaykh Moulay al-‘Arabi a dit : “Il s’agit là de la seule et même Réalité. Si tu le bois comme du miel, tu trouveras que c’est du miel. Si tu le bois comme du lait, ce sera du lait. Si tu le bois comme de la coloquinte, tu le trouveras amer comme la coloquinte. Donc, mon frère, bois ce qui est beau et laisse ce qui est laid.”
Puis il évoque les œuvres et leurs fruits, qui sont la bienséance vis-à-vis de Dieu, la pacification devant le passage des décrets sans tenter de les changer, d’influencer les choix de Dieu, d’accélérer ce qui est compromis ou de compromettre ce qui arrive. Ces attitudes sont un indicateur quant à ce qui émerge du pouvoir qui t’es octroyé en même temps que la connaissance de Dieu. Il évoque les différentes formes d’œuvres et la discipline de celui qui les accomplit :
« Multiples sont les œuvres parce que multiforme l’avènement des états spirituels ». Lire plus…
[1] La Nuit de la Majesté, ou la Nuit du Destin : jour du ramadan correspondant à la nuit de la descente du Coran dans le cœur du Prophète, qui est, dans le Coran, “meilleure que mille mois” (97 : 3)