Multiples sont les œuvres parce que multiforme l’avènement des états spirituels.
Les œuvres signifient ici les actions et mouvements physiques, et les états spirituels (waridat) sont les mouvements du cœur. Les états “traversants” et les états d’être mystiques ont le même locus : le cœur. Aussi longtemps que le cœur est divisé entre la lumière et l’obscurité, ce qui s’y manifeste sont des états “traversants” (khatir). Dès lors que l’obscurité en est chassée, ce qui s’y manifeste sont des états d’être spirituels. Tous deux sont changeants, impermanents. Dès lors que l’état reste et perdure, il est appelé “station” (maqam).
Les actions extérieures varient en fonction des états intérieurs : les actions du corps suivent les actions du cœur. Lorsque le cœur se contracte, le corps ralentit et s’immobilise. Lorsque le cœur se dilate, le corps se meut et s’allège. Lorsqu’un état ascétique et scrupuleux s’empare du cœur, leur effet se fait sentir sur le corps par le détachement du monde et l’abstention de suivre ses passions. Si le désir et l’avidité s’emparent du cœur, le corps finit par être surmené et fatigué. Si l’amour et le désir ardent de Dieu surviennent dans le cœur, l’effet sur le corps et l’extase et la danse mystique. La même chose peut s’appliquer aux autres états et aux actions qui en résultent.
Les états du cœur sont multiformes et de ce fait les actions le sort aussi. Un cœur peut aussi être dominé par un état, et une seule sorte d’action en résultera. La contraction, par exemple, peut dominer une personne, et il agira de manière sévère dans toutes ses actions. Elle peut aussi connaître la dilatation, ou tout autre état. Dieu sait mieux.
Un hadith dit : “Il y a un morceau de chair dans le corps, lorsqu’il est sain, tout le corps est sain, mais lorsqu’il est corrompu, tout le corps est corrompu. Il s’agit du cœur.” C’est la raison pour laquelle il y a toute sorte de soufis. Il y a des adorateurs religieux, les ascètes, des hommes consciencieux, des disciples et des connaissants en Dieu. Le shaykh Zarruq dit dans son Qawa’id : “La piété (nask), c’est adopter toute forme de vertu sans se préoccuper d’autre chose que cela. Si quelqu’un désire connaître la réalisation de sa piété, alors c’est un adorateur dans la religion. S’il s’incline pour être à l’écoute de ses états intérieurs, alors c’est un homme consciencieux. S’il préfère détacher sa quête de ce monde pour être plus en sécurité, alors c’est un ascète. S’il s’abandonne à la volonté de Dieu, alors c’est un connaissant en Dieu. S’il s’attelle au bon comportement et à l’enracinement dans la Voie, alors c’est un disciple.”
Il dit aussi dans une autre règle du soufisme : “Il y a de multiples chemins, mais il n’y a qu’un objectif. Malgré toutes les différentes méthodes, l’adoration, le détachement, la contemplation, le disciple unificateur poursuit son chemin, la Voie Royale qui le mènera à Dieu. Tous les chemins s’interpénètrent. Le contemplatif doit aussi faire preuve d’adoration religieuse car il doit glorifier Celui qu’il reconnaît. Il doit faire preuve de détachement intérieur de ce monde, car il ne connaît pas la Vérité de Dieu sans se détacher des illusions. L’adorateur religieux doit avoir les deux, car il n’y a pas d’adoration sans contemplation, et pas de dévotion dans l’adoration sans détachement des choses de ce monde. Sans cela, les grâces reçues de Dieu ne portent pas de fruits. Celui qui est dominé par son action religieuse est un adorateur, celui qui est dominé par le détachement du cœur est un ascète, celui qui est dominé par la contemplation de la manière dont Dieu dispose des choses est un connaissant en Dieu. Tout cela, c’est le soufisme. Mais Dieu sait mieux.
Comme la sincérité est la condition préalable nécessaire à toute œuvre et action, il [Ibn ‘Ata- Allah] ajoute :
« Les œuvres sont des formes figées : Le souffle de vie y pénètre par le secret de l’intention ». Lire plus…