Tant que tu es en ce bas monde, ne t’étonne pas des tribulations. Celles-ci en font que révéler ce qu’il mérite comme attributs et ce dont il faut le qualifier.
Considérer qu’une chose n’est pas à sa place, qu’elle est tribulation, c’est lorsqu’elle devient étrange, de manière à ce qu’elle semble incongrue. Les impuretés (citées plus haut), ce sont ce qui affecte le soi et qui l’afflige. “Ce qu’il mérite comme attributs”, c’est la manière dont il mérite d’être considéré, et “ce dont il faut le qualifier”, c’est la manière dont il faut qu’il soit décrit. L’un des shaykhs a dit que les “attributs”, ce sont les aspects intrinsèques des choses, et les qualifications, les aspects temporels et non-essentiels. Les aspects intrinsèques à la chose dont, par exemple, la blancheur, la noirceur, la hauteur ou la petitesse. Les aspects non-essentiels, ce sont la maladie, la santé, la joie, la tristesse, par exemple.
Fait partie de la bonne attitude du connaissant de se dire qu’aucune épiphanie du Réel n’est pas à sa place et de ne pas s’en étonner, quelles qu’elles soient, qu’elles soient signes de Sa majesté ou bien de Sa beauté. Si des évènements bouleversent ton monde, accablantes ou assujettissantes, ne pense pas qu’ils puissent n’être pas à leur place. Par ailleurs, ce monde-ci est un lieu où Il se manifeste dans Son absolue Majesté : c’est le lieu des peurs, de la séparation et de la migration vers Dieu.
Sur ce dernier point, dans un hadith, le Prophète -sur lui la paix et le salut -a dit dans un sermon : “Ô gens ! Ce monde est le monde de la destruction, et non pas de la stabilité. C’est la station du désarroi et non pas celle de la joie. Celui qui sait cela ne se réjouit pas dans l’aisance et ne s’attriste pas dans l’affliction. Dieu a crée ce monde en lieu d’affliction et Il a fait de l’Autre Monde la destination”. Il a donc fait de ce monde la raison d’être récompensé dans l’Autre et Il a fait de l’Autre monde la récompense pour les épreuves de ce monde. Lorsqu’Il prend, c’est donc pour (mieux) rendre et lorsqu’Il afflige, c’est pour (mieux) récompenser. Ce monde passe et touche bientôt à sa fin. Alors prends garde à la douceur de la tétée, car tu connaîtras l’amertume du sevrage ! Rejette son plaisir dans l’instant parce que la finalité est détestable. Ne cherche pas à cultiver ce monde que Dieu va dévaster et ne cherche pas à te l’approprier alors que Dieu veut que tu t’en détaches. Tu t’exposerais alors à Son courroux et tu mériterais Son châtiment !
Al-Junayd a dit : “Je ne considère jamais que les choses de ce monde qui m’adviennent soient mauvais, car j’ai un principe de base : ce monde est celui du désarroi, de l’inquiètude et de la mise à l’épreuve”. On a dit à ce sujet :
L’homme intelligent, dans sa tête, se dessine une image des afflictions avant qu’elles adviennent. Même si elles surviennent par surprise, il ne s’en alarme point grâce à l’image dessinée en lui. Il voit que la situation le mènera à une autre et qu’en vérité la finalité devient un commencement. L’homme ignorant pense avoir sécurisé ses jours et oublie les afflictions du passé. Si les vicissitudes du temps le rattrapent et l’affligent, il est abattu. Si on sait se prémunir par avance, c’est par l’expérience de constance et de confiance face à l’épreuve.
Abu Sulayman ad-Darani a dit à Ahmad ibn Abi l-Hawari : “Ahmad, un peu de faim, un peu de nudité, un peu d’avilissement et un peu de constance. Les jours de ce monde te sont comptés.
Ô connaissant ! Crois-tu donc que les afflictions qui adviennent, à toi et aux autres, ne soient pas à leur place tant que tu est de ce monde ? Ce que résulte dans le monde des épiphanies de la Majesté, c’est seulement la manière dont il convient de le décrire et dont il faut le qualifier. Alors ne crois pas qu’une chose ne puisse pas à être à sa place et ne t’étonne de rien ! Il t’incombe de reconnaître Dieu dans Sa Majesté assujettissante et dans Sa Beauté, dans la douceur de la vie et dans l’amertume. Ce sont les gens du vulgaire qui ne Le voient pas dans la Beauté. La reconnaissance de la Majesté, c’est la tranquillité, le comportement adéquat, le plaisir et l’acceptation. Le faqir doit être comme le roseau : lorsque l’orage survient tout à coup, il se courbe et lorsqu’il passe, il relève la tête.
Comme tu ne trouves pas que les impuretés du monde n’ont pas leur place, tu ne t’en attristes pas, tu ne les crains pas et tu ne t’en alarmes pas. De la même manière, ne t’étonnes pas de l’avènement de choses de félicité, provenant de la Beauté, pour ne pas te réjouir au point d’en être oublieux. La Majesté est soeur de Beauté et la Beauté est soeur de Majesté et elles alternent comme la nuit fait place au jour. Le connaissant en Dieu prend la coloration de chaque situation. Jamais rien ne lui semble incongru et il ne s’étonne de rien puisque tout ce qui émane de la Toute-Puissance est Un.
C’est toute la différence entre le sadiq et le siddiq : contrairement au sadiq, le siddiq ne s’étonne de rien et ne doute jamais de ce qui lui est promis par Dieu. Le sadiq, quant à lui, s’étonne dès qu’il voit quelque chose d’extraordinaire. Lorsque quelque chose est décrété pour lui, il hésite de faire ce qui lui incombe de faire[1].
Dieu le Très-Haut a qualifié Maryam[2]de siddiqa, mais n’a pas donné ce nom à Sarah car lorsqu’elle reçut la bonne nouvelle de la naissance de l’enfant, elle trouva cela étonnant et s’exclama : “Voilà quelque chose d’extraordinaire !” C’est la raison pour laquelle les anges lui dirent : “T’étonnes-tu du commandement de Dieu ?” Ce ne fut pas le cas de Maryam. Elle ne trouva pas cela curieux. Elle posa juste une question pour s’informer, pour demander le moment ou le moyen. Et Dieu sait mieux.
Puis il [Ibn ‘Ata- Allah] évoque la huitième attitude spirituelle, qui est de se dépenser par Dieu, pour Dieu, de Dieu et à Dieu. C’est la station de la véracité qui est le coeur de la sincérité, et la sincérité appartient à l’élite de l’élite. Il dit :
Rien de ce que tu veux obtenir par ton Seigneur n’est impossible !Rien de ce que tu veux obtenir par toi-même n’est facile !
[1]Le sadiq est le véridique, celui qui dit la vérité. C’est le pronom dérivé directement de as-sidq, la véracité. Le siddiq est la personne dont l’intégrité est totale et dont la sincérité est le caractéristique dominant.
[2]Marie, mère de Jésus.