Hikma n°36 – Ibn ‘Atâ’i -Llâh Al-Iskandarî commenté par Ahmad Ibn Ajiba

Ne sois pas dans l’attente que cessent en toi les altérations. Cela t’empêche, dans l’état où Il te met, d’être attentif à Lui seul.

        “Etre attentif” signifie ici faire preuve de patience, d’attendre. Les “altérations” désignent ce qui altère l’état du coeur. On emploie ce terme pour désigner un coeur qui régresse d’un état de perfection à un état d’imperfection. Les soufis considèrent que tout ce qui distrait de la Présence de Dieu est une “altérité”. Etre attentif, c’est veiller à ce que son coeur ne s’éloigne pas de la Présence du Seigneur. Le shaykh parle ici de veiller sur son coeur. Veiller sur son âme (ruh), c’est prendre soin de la maintenir dans la contemplation perpétuelle. Veiller sur le secret essentiel, c’est prendre soin de le maintenir dans l’ascension perpétuelle et dans la courtoisie spirituelle vis à vis de Dieu.

        Lorsque Dieu te place dans une situation dans ce monde où tu es dominé par l’existence des autres et où tu es dominé par le sensoriel, alors Il t’a placé extérieurement dans un effort dans ce monde qui te revient de droit, et Il t’oblige donc à t’efforcer à garder ton coeur dans la Présence pour ne pas que tu te mettes à L’oublier, ou à maintenir ton âme dans la contemplation perpétuelle pour ne pas te faire brigander par le monde sensoriel, ou à te battre pour que ton secret essentiel continue à rechercher les grâces et les connaissances et qu’il ne se relâche pas dans ses efforts. N’attends pas d’être libéré de ton travail dans ce monde, car ce faisant tu mettrais ton coeur en sursis. Si tu fais cela, tu perdrais l’attention que tu dois avoir dans la situation où Dieu t’a mis. Ce serait une impolitesse spirituelle de ta part. Ce serait aussi gâcher le moment, sans t’y investir en Dieu. En pas mettre à profit un moment, c’est commettre une erreur qui ne peut se corriger.

        J’ai entendu que lorsque le shaykh Moulay al-’Arabi voyait ses disciples au travail et qu’il craignait que le monde sensoriel les déposséderait, il leur hurlait : “Hé vous !” pour les alerter et pour les réveiller de leur torpeur sensorielle. Ash-Sha’rani dit dans al-’Uhud que l’un des shaykhs n’était jamais absent de Dieu, même durant l’acte sexuel. Voilà les capacités des gens préoccupés de Dieu de parmi les connaissants de Dieu. Voilà l’unification dans l’unification ! Et Dieu sait mieux.

        Ceci n’est pas une répétition de notre part de ce que nous avons dit plus haut sur l’erreur d’ajourner tes actions pour un temps où tu serais libre. Cela portait sur les oeuvres du corps, les actions, alors que ceci porte sur les oeuvres du coeur. Il s’agit ici d’attention portée à Lui en toute circonstance, de bien prendre cela en considération et d’agir en conformité à cela. Le succès est auprès de Dieu !

        Lorsque tu auras obtenu l’attention et la contemplation dans l’altérité, ne t’étonnes pas de voir des impuretés dans le monde : tu ne devras pas te les cacher. Voici ce qu’il[Ibn ‘Ata- Allah] en dit :

Tant que tu es en ce bas monde, ne t’étonne pas des tribulations.Celles-ci en font que révéler ce qu’il mérite comme attributs et ce dont il faut le qualifier.