Ou comment s’en irait-il vers Dieu, enchaîné par ses passions ?
S’en aller vers quelque chose, c’est se lever et voyager de pays en pays. Ici il s’agit de partir de l’état où on regarde l’être pour aller vers l’état où on contemple le Créature de l’être, ou d’aller du Mulk vers le Malakut, ou de ne plus s’arrêter aux causes mais de se rendre auprès de la Cause des causes,
du monde des impuretés au monde de la pureté,
d’aller de la maison de la négligence jusqu’à la maison de l’éveil,
de la vision sensible à la contemplation des significations subtiles,
de l’ignorance vers le Connaissance,
de la science de la certitude vers la vision de la certitude,
de la vision de la certitude vers la réalité de la certitude,
de la vigilance vers la contemplation,
de la station des errants vers le lieu de l’enracinement. Les “chaînes” sont ici les entraves, et les passions sont les désirs de l’ego et ce à quoi elle aspire.
On ne peut voyager tout en étant enchaîné. Tant que le cœur se sent attiré vers un bien éphémère de ce monde, même si c’est une chose autorisée par la Shari’a, il est enchaîné et entravé en profondeur et il ne peut aller vers le Malakut et ne voit pas les lumières du Jabarut. L’attachement du cœur à ses passions l’empêche de s’élever vers Dieu car le cœur est trop occupé à les gérer. S’il tente de les esquiver, ce n’est pas sûr qu’il puisse les éviter, tant l’ego en est friand. C’est pourquoi les grands hommes ont préféré les abandonner totalement, car, comme le dit le shaykh Zarruq : “Une piqûre de frelon sur le corps est plus doux que la piqûre des passions dans le cœur”. Cela vaut lorsque le cœur s’attache à vouloir réaliser ses passions. Autrement, le cœur ne s’y attache pas. Nous avons déjà dit que la réalité du soufisme, c’est d’être auprès de Dieu, détaché. Notre shaykh disait : “Si vous voulez votre part, sachez que nul homme ayant de l’attachement au cœur n’entre dans le monde du Malakut”. Alors, mon frère, éradique les racines de tes attachements, fuis ce pays d’attaches et les lumières des réalités brilleront sur toi. Voilà pourquoi le voyage et l’émigration (hijra) sont des aspirations connues du disciple car en restant dans le monde sensible on ne se détache pas des attachements sensibles.
On a dit : “Le faqir est comme l’eau. Lorsque l’eau reste trop longtemps au même endroit, elle stagne, elle s’altère. Lorsqu’elle peut couler, elle est bonne et douce”. Selon sa faculté à se déplacer dans le monde sensible, le faqir peut voyager dans le monde des significations subtiles. Selon la capacité au navire de voguer, le cœur voyage. L’émigration (hijra) est une tradition prophétique (Sunna). Lorsque le Prophète –sur lui la paix et le salut –entreprit son émigration, il ne se reposait plus de son combat saint (jihad) jusqu’à ce que Dieu lui ouvrît les terres. Peu restèrent dans leur terre natale jusqu’au moment où Dieu conquît toutes les terres par leurs mains et qu’Il guida les hommes par eux. Que Dieu nous fasse profiter des grâces qu’ils ont reçues, Amen !
Lorsque le cœur quitte le lieu de ses passions et qu’il est purifié de la saleté de sa négligence, il atteint la présence de son Seigneur et il se voit octroyé la contemplation de Sa proximité. C’est pourquoi il [Ibn ‘Ata- Allah] dit :
Peut-il espérer entrer en la présence de Dieu, s’il ne s’est d’abord purifié de ses négligences ? lire plus …