Hikma n°69 – Ibn ‘Atâ’i -Llâh Al-Iskandarî commenté par Ahmad Ibn Ajiba

Celui qui connaît son Seigneur sait  que son péché n’est rien en face de Sa générosité.

Celui qui connaît son Seigneur se retire de la vision de son péché car il est annihilé à lui-même par la contemplation de son Seigneur. S’il agit d’une façon contraire à la sagesse, il reste dominé par la faveur spirituelle qui le recouvre. Le Très-Haut dit : “Informe Mes serviteurs que c’est Moi le Pardonneur, le Très Miséricordieux…” Pour ce qui est de la suite de la sourate : “…et que Mon châtiment est certes le châtiment douloureux” (Coran 15 : 49-50), elle s’applique à celui qaui ne se repent pas. L’Envoyé de Dieu -sur lui la paix et le salut- a dit : “Quand bien même tu devais pécher jusqu’à ce que tes péchés touchassent les rênes du Paradis et qu’ensuite tu te repentais, Dieu Se tournerait vers toi. Si les serviteurs de Dieu n’avaient pas commis de mauvaises actions, Dieu les auraient enlevés et remplacés par d’autres qui les auraient commises à leur place, et qui se seraient ensuite repentis à Lui. Il est le Tout-Pardonnant, le Très Miséricordieux.[1]” “La satisfaction que Dieu éprouve lorsque Son serviteur se repent est plus grande que la joie qu’éprouverait l’un d’entre vous en retrouvant son chameau perdu dans le désert.”

            Toutefois, en ayant conscience de la patience de Dieu, on ne doit pas déconsidérer le poids de son péché au point de s’illusionner. Dieu a révélé à David (Da-ud) -la paix sur lui : “David, dis à mes serviteurs véridiques de ne pas s’illusionner : J’appliquerai Ma justice et ma justesse et Je les punirai sans leur causer de tort. Dis à mes serviteurs mal-agissants de ne pas désespérer : aucun péché n’est assez grand pour que Je ne le leur pardonne”.

Al-Junayd a dit : “Lorsqu’une source jaillit du Généreux elle relie le pécheur et le vertueux”. Le shaykh Abu l-’Abbas dit dans son Hizb[2] : “Mon Dieu ! Te désobéir m’appelle à T’obéir, et T’obéir me conduit à Te désobéir ! En quel état suis-je dans la crainte, et en quel état suis-je dans l’espérance ? Si je professe la désobéissance, Tu viens vers moi avec Ta faveur et Tu me laisses alors sans crainte ! Et si je professe l’obéissance, Tu viens vers Moi avec Ta justice et elle me laisse sans espérance ! Comment voir ma bonne action face à Ton bienfait, et comment ne pas voir Ta faveur face à ma désobéissance ?”

Ce que le shaykh dit, c’est que lorsqu’une personne commet un acte de désobéissance, elle fait l’expérience de la puissance et de l’incommensurabilité du Réel. Et qu’en dehors de Dieu, elle est faible et totalement impuissante. Ainsi, par la désobéissance, l’homme obtient une contrition et un abaissement par lesquels le Seigneur est exalté et honoré. Sa désobéissance l’a donc conduit à l’obéissance à son Seigneur- et quelle obéissance ! En revanche, lorsqu’une personne est obéissante vis-à-vis de Dieu, il peut se voir lui-même dans ses actes et se sentir satisfait de ce qu’il reçoit et ainsi il s’associe à son Seigneur : voilà un grand manque de politesse spirituelle (adab) ! Voilà, en fait, la vraie désobéissance. Ainsi, par un acte d’obéissance il est conduit à la désobéissance. Le shaykh ne sait donc plus lequel des deux il doit craindre et lequel il doit désirer !

            Ses mots “si je professe la désobéissance,…” signifient : Si je fais face à ma désobéissance, Tu viens à moi avec Ta faveur et toute trace de mon péché est effacée. Lorsque je vois ma désobéissance, Tu viens vers moi avec Ta justice, mon péché s’estompe et il ne me reste plus que l’espérance dans le Généreux qui donne sans contrainte et dont la Présence constante englobe l’obstacle et la réprimande qui me séparent de Lui. Et Dieu le Très-Haut sait mieux !

            Le connaissant en Dieu, pour ces raisons, ne s’arrête ni à l’obéissance, ni à la désobéissance, même si le péché est abominable. Voilà le sens de la parole du shaykh :Aucun péché n’est minime, s’Il t’oppose Sa justice, Aucun n’est grand, s’Il t’accueille avec Sa miséricorde.


[1]On retrouve cette affirmation dans le Coran : 11 : 118 / 5 : 48 / 16 : 93.

[2]Ce sont des oraisons. Ash-Shadili et son successeur, Abu l-’Abbas Al-Mursi (le shaykh d’Ibn ‘Ata- Allah) ont tous deux rédigés des Hizbs qui, maintes fois commentés, ont contribué à leur renommée. Ils sont considérés comme des épîtres porteuses de leur secret spirituel et d’une protection divine.