Hikma n°71 – Ibn ‘Atâ’i -Llâh Al-Iskandarî commenté par Ahmad Ibn Ajiba

L’oeuvre dont les coeurs peuvent espérer le plus est celle que tu en remarques même pas et que tu juges indigne d’exister.

            Le texte du shaykh semble tout entier dirigé vers le coeur ! Cela se confirme car toutes ses paroles concernent la vie et la mort des coeurs : que nulle action n’a plus d’espoir de raviver les coeurs qu’une action qui se fait par Dieu et pour Dieu, et où l’agissant est ravi à lui-même, et à tout autre que Lui. Lors d’une telle action, l’ego ne regarde pas sa part du monde et ses passion et il se libère de tout sentiment de force ou de puissance. Lorsque la puissance jaillit de son être, il est incapable de la voir, tellement l’existence formelle lui est insignifiante. L’existence n’est, pour lui, que l’immensité de l’épiphanie seigneuriale qu’il cache au fond de son coeur. Tout sauf Lui est insignifiant à ses yeux. Une oeuvre ainsi faite donne vie aux coeurs et dote le connaissant de la vision du Connaissant des mondes de l’invisible. C’est la station de la certitude par l’esprit (ruh), et c’est la vie des coeurs des connaissants !

            Lorsque Dieu veut prendre Son serviteur en charge, Il l’élève vers l’oeuvre de piété et la fait lui sembler totalement insignifiante. Il poursuit donc son effort dans le monde physique, par l’action, jusqu’à ce que Dieu l’élève à l’oeuvre du coeur. Les membres du corps se reposent alors de leur effort[1]et il ne subsiste plus que la contemplation de l’incommensurabilité, tout en gardant les convenances vis-à-vis de Dieu. An-Nuhrajuri a dit : “Un des signes que Dieu se charge de quelqu’un, c’est quand il commence à voir son manque de sincérité, ses manquements dans l’invocation, son manque de véracité, la lassitude dans l’effort et le manque d’attention dans sa pauvreté. Comme ses états sont tous désagréables, sa pauvreté intérieure augmente et son besoin de Dieu se fait sentir, et petit à petit il chemine jusqu’à n’avoir besoin de personne sinon de Lui.”

Lorsque le coeur est vivifié de connaissance de Dieu, il devient le réceptacle des effluves des touches divines. Il évoque celles-ci dans ce qui suit :

Il ne t’envoie une touche mystique qu’afin que, par elle, tu viennes à Lui.


[1]C’est en effet épuisant pour le corps d’agir sans que le coeur ne soit présent, car il le fait, pour ainsi dire, “à contre coeur”. L’acte d’adoration faite avec coeur s’accomplit sans effort.