Hikma n°41 – Ibn ‘Atâ’i -Llâh Al-Iskandarî commenté par Ahmad Ibn Ajiba

Ce qui est gardé dans l’invisible des consciences transparaît dans le témoignage des apparences.

        “Garder”, c’est ici mettre quelque chose quelque part afin de le préserver. “L’invisible des consciences”, ce sont les choses de l’intérieur dont les consciences sont les secrets, que sont les coeurs et les esprits. Le “témoignage des apparences”, c’est le monde visible de la manifestation extérieure : les corps et membres extérieurs.

        Tout ce que Dieu a gardé et placé dans les coeurs, le bien ou le mal, la lumière ou l’obscurité, la science ou l’ignorance, la compassion ou la dureté, la générosité ou l’avarice, la contraction ou l’expansion ou tout autre caractéristique louable ou blâmable, tout cela doit apparaître à l’extérieur par le bon comportement, la discipline, la tranquillité, le sérieux, la dépense utile, la clémence, mais aussi l’inconstance, l’angoisse, la colère et tous les autres états du coeur et toutes les autres actions du corps. Dieu le Très-Haut dit : “…tu les reconnaîtras à leur aspect…” (Coran 2 : 273) et Il dit : “…Ils portent sur le visage la trace de leur prosternation…” (Coran 48 : 29) Le Prophète -sur lui la paix et le salut -a dit : “Lorsque quelqu’un garde pour lui un secret, Dieu le couvrira de sa mante”.

        Les actions du corps procèdent des états du coeur. Celui qui garde la reconnaissance de son Maître dans le secret de son for invisible ne cherche rien d’autre auprès de quiconque. Celui qui garde l’ignorance de son Seigneur dans le secret de son for invisible reste dépendant d’autre chose que Lui. Ainsi sont les états extérieurs : ils suivent les états de l’intérieur, comme l’a déjà dit le shaykh : “Multiples sont les oeuvres parce que multiforme l’avènement des états mystiques”. Les apparences (asirra) reflètent donc le secret (sarira) et les mots font connaître celui qui parle. Ce que tu portes en toi apparaît sur ta langue. Chaque membre du corps déborde de son contenu. Ce qui survient dans le coeur apparaît sur le visage. Et Dieu sait mieux.

        La meilleure des choses qui puisse être gardé dans l’invisible des consciences est la connaissance de Dieu. Cette connaissance peut être de deux sortes : la science de la preuve et la science de la contemplation. Il [Ibn ‘Ata- Allah] explique la différence entre les deux. Il dit :

Quelle distance entre celui qui prouve par Lui

et celui qui cherche à Le prouver !

Le premier reconnaît la vérité là où elle est,

et affirme tout par l’existence de son principe,Le second, en prouvant Dieu, montre combien il est loin de Lui. Sinon, quand a-t-il été absent, pour qu’il faille Le prouver ? Ou quand a-t-il été lointain, pour que ce soient les créatures qui mènent à Lui ?