Hikma n°42 – Ibn ‘Atâ’i -Llâh Al-Iskandarî commenté par Ahmad Ibn Ajiba

Le second, en prouvant Dieu, montre combien il est loin de Lui. Sinon, quand a-t-il été absent, pour qu’il faille Le prouver ? Ou quand a-t-il été lointain, pour que ce soient les créatures qui mènent à Lui ?

        Sache que lorsque Dieu voulut dévoiler les secrets de Son Essence et les lumières de Ses Attributs, Il manifesta, par Sa Puissance, une poignée de lumière pré-existencielle. Par la Puissance Il voulut la manifestation des effets et la contemplation des lumières ; par la Sagesse Il voulut descendre les voiles et dévoiler les rideaux. Lorsque la Puissance plaça la lumière dans les lieux de manifestation du monde sensible, alors la Sagesse vint les couvrir du manteau de la protection. Ainsi, drapé dans son voile, Il éclaira le monde sensible qui devint tout entier lumière.

        Puis Dieu divisa la création en deux catégories et les sépara en deux groupes. Il choisit un groupe pour Sa Puissance : ils devinrent les gens de la sainteté, à qui Il ouvrit la porte et releva le voile. Il leur permit donc de contempler et de témoigner des secrets de Son Essence et ne leur voila pas Son Essence en usant de Sa Puissance. Il choisit l’autre groupe pour Son service et Il en fit les gens de Sa science. Il fit descendre sur eux le voile de l’illusion et retira d’eux la lumière de la connaissance de Dieu et de la compréhension subtile. Ils butèrent donc sur les enveloppes extérieures et ne purent témoigner de la lumière intérieure car ils étaient éblouis par l’intensité du monde manifesté. Gloire à Celui qui garda Son secret par Sa Sagesse et manifesta Sa lumière par Sa Puissance !

        Les gens de l’amour, c’est à dire les gens de la sainteté et les connaissants de parmi les gens de la contemplation et du témoignage, sont guidés par la lumière jusqu’aux voiles de l’existence et ils ne voient que la lumière ; ils sont guidés par le Réel jusqu’à dans la création existenciée et ils n’y voient que le Réel. Ils sont guidés par Sa Puissance jusqu’à Sa Sagesse et ils voient que Sa Puissance est à la source de Sa Sagesse, et que Sa Sagesse est à la source de Sa Puissance. Par la contemplation du Dieu-Réel, ils en voient plus la création, puisqu’il est impossible de voir Dieu tout en continuant à voir autre que Lui ! Quant aux gens du service de parmi les gens de la science, eux, au contraire, désirent être guidés par les voiles de l’existence jusqu’à la lumière, et être guidés par la création jusqu’au Réel. Ils ne Le voient plus, ils ne sont pas en Sa Présence, et ils sont voilés à lui par l’intensité lumineuse de Sa manifestation. L’un des connaissants de Dieu a dit : “Dieu le Très-Haut montra la création aux gens du commun afin qu’ils attestent de leur Seigneur ; Il Se montra aux gens de l’élite afin qu’ils attestent de la création”.

Combien est grande la distance entre celui qui est guidé par Lui jusqu’à la manifestation de Son effet, et celui qui cherche des preuves de Son existence par la manifestation de Son effet ! Cela est du au fait que celui qui est guidé par Lui reconnaît la Réalité, la seule réalité du monde qui est digne de Lui appartenir, à Lui, le Seul qui le mérite ! Il est Dieu, le Nécéssaire, le Souverain louangé. Lui Seul affirme le vrai, que l’existence n’est d’aucune distance temporelle de sa source, le monde éternel du Jabarut. Lui Seul atteste de celui qui reconnaît Dieu au point qu’Il soit toujours dans son champ de vision, et puis qui affirme que l’existence appartient à Dieu et qui nie l’existence de tout-autre-que-Lui. Il affirme l’intemporalité originelle et ultime. On peut dire qu’il reconnaît le Réel et l’existence unique de Celui qui le mérite de droit, c’est à dire Dieu ; puis il atteste du plan divin -l’existence secondaire -à partir de la reconnaissance de sa Source : il la relie à sa Source. Puis la branche est reliée à la racine et tout devient Jabarut.

        Pour ce qui est de celui qui cherche des informations à Son sujet pour le prouver, il fait cela car il est distancié de Lui alors même qu’il est dans la proximité à Lui et absent à Lui alors même qu’il est présent à Lui. Il est distancié de Lui par son illusion. Son absence à Lui, c’est un manque de compréhension à Son égard. Quand a-t-il été absent  pour qu’il faille Le prouver, puisqu’ Il est “plus proche de lui [l’homme] que sa veine jugulaire” ? (Coran 50 : 16) Quand a-t-il été lointain pour que ce soient les créatures qui mènent à Lui, alors qu’ “Il est où que vous soyez” ? (Coran 57 : 4) En réalité,  l’attribut n’est pas séparé de l’attribué puisque leur substance est la même, celle en dehors de qui il n’y a nulle manifestation.

        Il dira plus tard dans la Munajat : “O mon Dieu ! Comment peut-on chercher à Te prouver par le moyen de quelque chose qui a besoin de Toi pour exister ? Est-ce que l’autre-que-toi manifeste ce dont tu es dépourvu, pour que Tu dusses être prouvé ? As-tu été absent pour qu’il faille une preuve pour te trouver ? Quand as-tu été absent pour que l’on suive des traces menant à Toi ?” Et Dieu sait mieux !

        A ceux qui sont guidés par Dieu, Dieu leur élargit l’arène des connaissances et leur ouvres les entrepôts secrets de la compréhension, contrairement à ceux qui cherchent à Le prouver. A eux, Dieu a assigné la besogne de le connaître à travers le voile de l’illusion. Il [Ibn ‘Ata- Allah] indique cela lorsqu’il dit :

“Que celui qui est dans l’aisance dépense selon son aisance” (Coran 65 : 7)

Ce sont ceux qui sont arrivés à Lui ;

“Et celui à qui son attribution a été mesurée” (Ibid.) :

ce sont ceux qui cheminent encore vers Lui.