Hikma n°75 – Ibn ‘Atâ’i -Llâh Al-Iskandarî commenté par Ahmad Ibn Ajiba

Les lumières sont des montures pour les coeurs et les consciences.

La “lumière” c’est une touche dans le coeur du serviteur lorsqu’il saisit la signification cachée d’un Nom de Dieu ou d’un de Ses Attributs. Cette signification circule à flots dans tout son être jusqu’à ce qu’il soit le témoin direct de la réalité et de l’illusion. Sans cette lumière, il n’aurait pu saisir ces évidences. C’est ce que dit le shaykh Zarruq.

            Les “montures”, ce sont des chameaux qui sont prêts à monter, les “coeurs” sont ceux qui acceptent et désirent comprendre les réalités sprituelles. Les “consciences” sont celles qui acceptent et désirent recevoir les effluves seigneuriales (tajalliyat). On entend par “conscience” le secret intime, la partie la plus subtile et plus pure que le coeur.

            L’esprit (ruh) comprend toutes ces appellations, et d’autres encore : on l’appelle “ego” si il est assombri par les actes de désobéissance, les mauvaises actions, les passions ou les défauts. Lorsqu’il se courbe et clopine comme un chameau, on le nomme “intellect” (‘aql). Lorsqu’il persiste à osciller entre inconscience et présence, on l’appelle “le coeur”. Lorsqu’il se tranquillise et qu’il est en paix avec l’humanité et le dur labeur en ce monde, il se nomme “l’esprit” (ruh). Dès lors qu’est chassée l’obscurité de l’existence, on parle de “conscience intime”, ou encore de “secret” (sirr), car il devient l’un des secrets de Dieu lorsqu’il retourne à sa source intime, la source du Jabarut.

            Lorsque Dieu désire amener quelqu’un à la Présence de Sa Pureté et qu’il l’invite au lieu de Son intimité, Il lui donne des touches mystiques, comme s’il lui donnait des montures qu’il pouvait chevaucher, installé confortablement sur la selle de la faveur de Dieu, le visage balayé par les vents de la guidance et entouré de la garde rapprochée du Roi attentionné. Ainsi l’esprit peut voyager des mondes des créatures vers ceux de la spiritualité jusqu’à devenir un des secrets de Dieu, connus de Dieu Seul. “Dis : L’esprit est du ressort de mon Seigneur” (Coran : 17 : 85)

            Les lumières, ces touches mystiques, sont les montures des coeurs qui les conduisent jusqu’à la Présence du Connaissant des mondes de l’Invisible. Les montures des consciences intimes les conduisent au Jabarut du Tout-Puissant, du Très-Contraignant.

            Le cheminement (suluk) est guidance, alors que l’attraction à Dieu (jadhb) est du ressort de Dieu. Par les touches mystiques d’éveil et de l’avancé, le cheminant est guidé sur la voie. Par la touche mystique de l’arrivée, c’est l’attraction à Dieu, par Dieu, qui prend le relais. Les lumières qui sont les montures des coeurs les guident sur le chemin, et qui les entoure et les éclaire par leur douce lumière. Et puis tout le cheminement devient attraction irrésistible.

            Quant aux lumières qui les guident sur les montures des consciences intimes, l’attraction et le cheminement sont unifiés. C’est une conduite bien meilleure, mais Dieu sait mieux !

Puis il [Ibn ‘Ata- Allah] relate le parcours effectué sur ces montures ainsi que les obstacles qu’ils peuvent rencontrer sur le chemin.

La lumière est l’armée du coeur, comme les ténèbres sont l’armée de l’âme despotique (nafs) : Quand Dieu prend la défense de Son serviteur, Il l’assiste de l’armée des lumières, et éloigne de lui les forces des ténèbres et de tout ce qui est autre que Lui.