Hikma n°78 – Ibn ‘Atâ’i -Llâh Al-Iskandarî commenté par Ahmad Ibn Ajiba

Que ton observance ne te réjouisse pas,  en tant qu’elle vient de toi, Mais en tant qu’elle vient de Dieu à travers toi. “Dis : par la grâce de Dieu et par Sa miséricorde. Qu’en cela ils se réjouissent, car cela est meilleur que ce qu’ils amassent” (Coran 10 : 58)

Nous avons déjà cité le hadith : “Celui qui se réjouit de ses bonnes oeuvres et qui se lamente de ses mauvaises, celui-là est véritablement croyant”. Ils y a trois sortes de gens qui se réjouissent de leur obéissance : les premiers se réjouissent car ils espèrent par là obtenir le Paradis et échapper à Son douloureux châtiment. Ils peuvent considérer qu’ils détiennent leur force de leur obéissance. Ce sont les gens du “c’est Toi que nous adorons[1]”.

            Le second groupe, ce sont ceux qui se réjouissent de leur obéissance car elle est le signe de la proximité et de l’arrivée proche. Leurs observances sont des dons du Roi Généreux, des montures qui les transportent dans la présence de la douceur. Ils ne se disent pas, eux, qu’ils possèdent par eux-mêmes de force ou de puissance. Ils pensent plutôt qu’ils sont conduits à l’obéissance par la volonté prééternelle, guidés par la Volonté divine. Ce sont les gens du “c’est Toi dont nous implorons secours” Bien que l’adoration des gens du premier groupe s’effectue pour Dieu, celle des gens de ce groupe s’effectue pour Dieu, et par Dieu. Grande est la différence entre ces deux groupes !

            Le troisième groupe, ce sont ceux qui se réjouissent de Dieu et de Dieu Seul, ceux qui sont annihilés à eux-mêmes et qui agissent par Dieu Seul. Si l’obéissance leur est donné, ils n’y voient que la faveur divine. S’ils se retrouvent en situation de désobéissance, ils s’excusent auprès de Dieu, avec toute la courtoisie spirituelle qui leur sied. Leur joie ne faiblit pas lorsqu’ils commettent une faute et elle ne croît pas s’ils font preuve d’obéissance : leurs actes se font par Dieu et pour Dieu. Ce sont les gens du “Point de pouvoir ou de force sinon en Dieu ![2]” Ce sont les connaissants en Dieu.

            Ô disciple ! Si l’obéissance et le bien te sont donnés, ne te réjouit pas du fait qu’ils sont venus de toi. Si tu le fais, tu te rends coupable d’associationnisme (shirk) à ton Seigneur. Dieu n’a aucunement besoin de toi et de ton obéissance car il n’a besoin de personne en dehors de Lui-Même. Le Très-Haut dit : “Et quiconque lutte, en lutte que pour lui-même, car Dieu peut Se passer de tout l’univers”. (Coran 29 : 6) L’Envoyé de Dieu -sur lui la paix et le salut -dit, exprimant les paroles de Dieu : “Ô vous, Mes serviteurs ! Si le premier et le dernier d’entre vous, et tous les jinns et les hommes, possédaient le coeur de l’homme le plus pieux et craintif d’entre vous, cela n’ajouterai rien à Mon Royaume”. Réjouis-toi car Dieu te fait des dons pour t’indiquer que tu bénéficies de Sa générosité, de Sa faveur et de Sa clémence.

La joie est donc un trésor dépendant de Dieu et de Sa miséricorde. Le Très-Haut dit : “Dis : Ceci provient de la grâce de Dieu et de Sa miséricorde…” (Coran 10 : 58) La grâce de Dieu, c’est Sa guidance et Son octroi de succès, Sa miséricorde dans Son élection, et le signe de Sa proximité. On dit que la grâce de Dieu, c’est l’Islam et que la miséricorde de Dieu, c’est Sa miséricorde. On dit que la grâce de Dieu, c’est Sa religion et que Sa miséricorde, c’est Son Jardin délicieux. On dit aussi que la grâce de Dieu, c’est l’Unicité par l’évidence et la preuve et que Sa miséricorde, c’est l’Unicité par la vision et la contemplation. On dit d’autres choses, aussi, et Dieu sait mieux.

            Comme la joie dans l’obéissance pourrait faire naître l’illusion que l’obéissance résulte de son propre état, Dieu a paré à cette éventualité. C’est ce que dit le shaykh :

Il prive ceux qui sont en marche vers Lui et ceux qui sont arrivés De voir leurs actes et de contempler leurs états mystiques : Les premiers, parce qu’ils n’y ont pas encore réalisé la sincérité avec lui, Les seconds, parce que, Le contemplant, ils leur sont rendus absents.


[1]Référence à la première sourate du Coran : “C’est Toi que nous adorons et c’est Toi dont nous implorons secours”.

[2]La hawla wa la quwwata illa bi-llah : expression islamique d’abandon confiant en Dieu.